Une histoire de fraternité

Prier le Notre Père, c’est se reconnaitre frères et sœurs. Mais en vivre les conséquences est difficile, même aux adultes. Une paroissienne a trouvé un moyen original d’en témoigner auprès de ses petits-enfants.

Par Guillaume Brétose

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Nathalie, paroissienne à la retraite, a raconté à son pasteur qu’un jour, alors qu’elle venait chercher sa petite-fille après une séance de catéchisme, la fillette de 10 ans avait un sourcil levé et paraissait préoccupée. Elle sortait d’une explication avec sa monitrice qui avait osé lui prétendre que tous les membres de l’Église étaient ses frères et ses sœurs.

 

Un trait d’union

 

S’agissant de ses amis de catéchisme, la petite Jeanne aurait pu comprendre que c’était une façon de parler. « Mais Mamie-Nat, si je suis ta sœur et celle de mes parents et même de gens que je ne connais pas, c’est un peu bizarre ! » Sa grand-mère a prétendu lui avoir juste répondu, sans réfléchir : « Pour moi, tu es Jeanne-Christ. »

L’explication qui suivit a duré un peu longtemps, mais en voici l’essentiel. Pour cette paroissienne, l’important était de comprendre ce que voulait dire vraiment « Jésus-Christ ». D’un côté il y avait Jésus, l’être humain, le compagnon des disciples et fils de Marie, pleinement homme et rien qu’un homme. De l’autre côté il y avait le Christ, l’envoyé de Dieu vers la terre chargé de dire son amour au monde et de vivre sa grâce, comme un ange, un être pleinement céleste et rien que céleste. Entre les deux, il y avait le trait d’union entre Jésus et Christ pour faire Jésus-Christ.

Mamie-Nat eut un peu de mal à expliquer que ce trait d’union était une façon de dire que le monde de l’homme et le monde de Dieu étaient maintenant reliés, que Dieu s’était collé à l’homme pour signifier qu’il était présent dans sa vie, que la terre et le ciel étaient solidaires, que… Étonnamment, Jeanne avait compris. Les enfants ont souvent l’intuition spirituelle et le sens du ciel.

 

Se sentir accompagné

 

« Tu es gentille Mamie-Nat, mais ça c’est pour Jésus. Ça ne me dit pas pourquoi toi et moi nous devrions être des sœurs et pourquoi tu m’as traitée de Jeanne-Christ ! » La paroissienne a choisi de ne pas répondre directement, mais de partager ce qu’elle ressentait. Se sentant aimée de Dieu, elle avait l’impression qu’il était près d’elle et l’accompagnait chaque jour. « Tu vois, Jeanne, pour moi, ça fait un peu comme avec Jésus, moins fort bien sûr, mais Dieu est là et j’ai un peu comme un trait d’union, moi aussi. On pourrait m’appeler Mamie-Christ. Et quand je te vois, je sais que Dieu est avec toi aussi, et pour moi, tu es aussi Jeanne-Christ. » Pour elle, la fraternité voulait dire que tous les êtres humains étaient aimés avec la même intensité par Dieu. Quand on les regardait de près, on pouvait discerner le trait d’union : Pierre-Christ, Martine-Christ, Marcel-Christ…

 

La fraternité se reçoit

 

« Bien sûr tu resteras toujours ma petite-fille chérie. Mais tu as toi aussi ce trait d’union parce que Dieu t’aime et t’accompagne, alors pour moi tu es Jeanne-Christ. Tous les frères et sœurs ont quelque chose en commun. Et pour Dieu, ce qui est commun c’est le trait d’union. Donc avec lui, on est tous frères et sœurs. » Dans la pensée de cette chrétienne, ce n’était pas le fait de vouloir être frères et sœurs parce qu’on avait la même foi, qui importait dans la fraternité. Elle savait bien que chaque personne vit et ressent différemment sa foi. Mais c’était le fait d’être aimés de Dieu, qui fondait cette fraternité. Elle était donc reçue, comme on recevait le ciel et la spiritualité, comme on recevait la vie. Inutile de dire qu’aujourd’hui, Mamie-Nat fait de la catéchèse. Elle compte bien que Jeanne-Christ la rejoigne dans quelques années.

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