Showing up

Un film de Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Hong Chau, André Benjamin. 1h48 - drame, comédie.

Le film qui m’a plu

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Par Roseline Cayla

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Un artiste, peintre, sculpteur, plasticien doit « exposer » pour se faire connaître. Exposer voire « s’exposer ». Showing up, le titre du film de Kelly Reichardt, pourrait signifier « exposition », mais aussi littéralement « se montrant ».

 

Or Lizzie (Michelle Williams, femme lumineuse qui jouait la mère artiste du réalisateur dans le film Les Fabelmans) est une sculptrice établie à Portland dans l’Oregon, qui n’a pas encore réussi à exposer ses œuvres, et qui semble ne pas vouloir se montrer. Elle vit seule avec son chat. Elle modèle des figurines de glaise. Quel dialogue entretient-elle avec celles-ci ? On la voit sectionnant un bras, elle le repositionne en le recollant à la barbotine.

 

Lizzie, mine de rien, se préoccupe des autres ou est dérangée par les autres, et c’est pour cela qu’elle ne réussit pas à trouver le temps de s’occuper d’elle, et de s’adonner pleinement à sa création. Car créer quelque chose de ses dix doigts, c’est aussi un travail de réflexion et cela se fait dans une certaine solitude silencieuse. Au début du film, la caméra s’attarde sur les dessins que Lizzie a réalisés et qui tapissent les murs de son atelier, études préparatoires à ses sculptures. Sur chacun, un élément est souligné par de la couleur. « La créativité existe chez beaucoup mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont artistes », dit-elle à sa mère, Jean, lorsque celle-ci croit voir en son fils Sean, actuellement prostré, un « génie ». Lizzie est inquiète pour Sean (il croit que les voisins l’empêchent de voir sa chaîne de télévision préférée, et quelques jours plus tard, sa sœur le trouve en train de creuser un grand trou dans son jardin, parce que la terre lui parle…) mais leur mère, pourtant prévenue, prend son fils pour un grand créatif, ne voulant pas voir sa bipolarité. « Il a besoin d’amour », dit-elle. « L’amour ne suffit pas », dit-elle aussi.

 

Elle parle peu et lorsqu’elle parle, ce qu’elle dit n’est pas pris en considération. Jo, son amie et logeuse, également artiste, occupée par ses propres expositions, ne se soucie pas de faire réparer la chaudière de sa locataire qui depuis plusieurs semaines doit prendre sa douche à l’eau froide ! Lizzie est clairvoyante sur son entourage, c’est sans doute ce qui la rend triste. Son père est squatté par un couple de vieux qui profitent de lui, mais il ne veut rien entendre ! Jo apporte à Lizzie un pigeon blessé (Lizzie l’avait tiré des griffes de son chat, mais l’avait remis dehors ne voulant pas qu’il meure chez elle !) et Lizzie lui consacrera désormais du temps… et comme l’état de l’oiseau lui semble s’aggraver, elle dépense 150 euros pour lui chez le vétérinaire ! Elle semble loin des étudiants joyeux que nous voyons circuler dans l’école d’art où elle travaille à temps partiel et qui se vivent déjà comme artistes, alors que rien n’est facile pour elle. Enfin c’est la dernière étape. À la sortie du four c’est toujours la surprise. Les figurines seront-elles comme la sculptrice les a voulues ? À ce stade, dit une galériste venue voir l’exposition qui finalement a lieu, il faut assumer. La statuette que Lizzie estimait la plus belle est noircie sur tout un côté, mais en acquiert d’autant plus de force ! L’envol imprévu du pigeon, au milieu de la salle d’exposition, suite à l’intervention d’enfants curieux, symbolise-t-il le début d’une nouvelle naissance pour Lizzie ? On n’est pas vraiment maître de sa vie et un dieu habite le hasard !

J’ai beaucoup aimé ce film discret et l’image qu’il donne de la création artistique, à mille lieues des paillettes.

 

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