Qu’est-ce qu’une Église missionnaire ?

Cette question peut surprendre, car toute Église a vocation à l’être, par fidélité première à la parole du Christ ressuscité : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Matthieu 28.9-20).

 

Par Jean Loignon et Françoise Giffard

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Mais certaines initiatives nous ramènent au sens primitif du mot mission : la création de nouvelles communautés ex nihilo ou par revitalisation d’autres en déclin majeur. On parle alors de projet missionnaire. Il correspond à un type de ministère pastoral évidemment différent de celui affecté aux paroisses dites classiques, néanmoins appelées à soutenir matériellement et spirituellement ces démarches pionnières. Il s’agirait plutôt de mandat en forme de « carte blanche » confié à un·e ministre censé·e s’adapter aux spécificités du lieu choisi. Cela prend du temps, de la patience et une énergie considérable, car rien ne permet de penser que ce qui a marché ici portera des fruits ailleurs

 

Une théologie portée sur l’appel à la conversion

 

L’idée d’un lien entre une telle démarche et un courant théologique particulier ne s’impose pas. Le but visé ne concerne-t-il pas tout le protestantisme dans sa diversité ? Mais force est de reconnaître des affinités électives entre la démarche missionnaire et le courant dit évangélique. Cela s’explique car cette sensibilité théologique est très portée sur l’appel à la conversion et l’implantation de communautés nouvelles. De plus, le rôle central du pasteur-missionnaire, forcément seul au début pour lancer et diriger la démarche, se rapproche de la conception du ministère pastoral chez certains évangéliques. Mais le but n’est pas le même. Car les paroisses dites historiques cherchent à s’ouvrir à la cité et au monde tel qu’il est, alors que l’objectif de certains milieux évangéliques serait plutôt la création de communautés de foi, avec le plus d’adeptes possibles, prônant une vision de la société, souvent plus fermée et conservatrice.

 

Des fondamentaux à définir

 

L’Église protestante unie de France (EPUdF) refuse de faire du prosélytisme, mais se veut une Église de témoins. Ce n’est pas la même chose. Quelles peuvent donc être ses stratégies missionnaires ?

À la Pentecôte, les gens présents entendaient parler des merveilles de Dieu dans leurs langues maternelles. Il nous faut réfléchir à comment être des témoins parlant à nos contemporains avec un langage et des formes qui fassent sens pour eux. Il nous faut collectivement prendre le temps de définir les fondamentaux de notre foi, les éléments qui nous paraissent essentiels dans la façon de vivre l’Église, tout en étant prêts à abandonner, parfois à contrecœur, des éléments qui relèvent de formes devenues incomprises aujourd’hui. Ne faut-il pas « toujours nous réformer » ? L’entreprise est difficile mais nécessaire si nous voulons être des témoins fidèles.

De nouveaux modèles de vivre en Église risquent d’apparaître un peu partout et plus particulièrement dans les Églises créées ex-nihilo, donc avec des fidèles ne connaissant pas nos traditions.

 

Des formations nécessaires

 

Il va falloir à la fois être inventifs, à l’écoute du monde, mais aussi veiller à la préservation de nos valeurs. Il faut à la fois retenir les richesses du passé et être ouverts sur l’avenir. Il faut aussi honorer nos anciens et répondre à leurs besoins et accueillir les jeunes en leur proposant un cadre qui leur ressemble. Un vrai défi à relever !

Et les Églises missionnaires sont souvent particulièrement innovantes, mais comment les accompagner quand elles s’installent dans la durée ? Quand, événement encore rare, l’aboutissement du projet est la création d’une association cultuelle, comment constituer un conseil presbytéral qui fonctionne bien ? Par qui sera-t-il désigné la première fois ? Qui validera la liste des membres de l’assemblée nouvelle ? Un des risques est la méconnaissance des uns et des autres de notre fonctionnement collégial, de notre système presbytéro-synodal. Des formations sont nécessaires ainsi qu’un accompagnement fort extérieur par nos instances, s’assurant que le projet naissant s’harmonise avec les valeurs de l’Église qui lui a apporté son soutien, sans pour autant forcément imposer le modèle paroissial habituel.

 

Un vrai défi source de joie et d’espérance

 

Une autre difficulté est celle de la place du pasteur missionnaire. Deux cas sont possibles. Soit le pasteur au profil de pionnier souhaite passer le flambeau à un autre pasteur qui gérera la nouvelle paroisse. Dans ce cas, la passation sera à haut risque. Les nouveaux fidèles peuvent être attachés à leur pasteur missionnaire et ne pas accepter une nouvelle personne, avec des façons de faire différentes.

Soit le pasteur missionnaire poursuit sa mission dans le cadre de l’Église constituée. Et là il faut être vigilant à ce que le pasteur, jusque-là seul à prendre des décisions, accepte la pluralité des opinions d’un conseil sans lui imposer son autorité.

Dans les deux cas, la présence temporaire de conseillers extérieurs expérimentés, ayant un rôle d’accompagnement et de vigilance, serait sans doute une bonne idée.

La création d’Églises missionnaires est un vrai défi, réclamant toute notre attention mais il est aussi une véritable source de joie et d’espérance.

 

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