Quand le monde façonne les Églises

Exemples de rencontres entre le monde et l’Église, les miracles surprennent et décalent les pratiques et les pensées. Ils montrent aussi les besoins du monde et les points de vigilance des communautés chrétiennes.

Grain de sable

Matthieu 20, 17-34

Par Guillaume Brétose, Paroles protestantes Paris

………

© DR

Alors que Jésus annonce sa mort et sa résurrection, pas un seul des disciples qui l’entourent ne bronche. La seule réflexion viendra de la mère de deux d’entre eux, demandant qu’ils soient placés près du maître dans le royaume.

 

Réagir aux maux de ce monde

 

L’Église naissante formée par les douze disciples serait-elle en mal de réactivité ? Le premier enseignement est que les communautés peinent à évoluer dans un monde changeant et de plus en plus rapide. Elles réagissent à l’événement plutôt que d’être instigatrices de changement, comme le fut Jésus.

Un second point d’attention est la demande de la mère des deux disciples, qui non seulement rêve d’une place de choix pour ses enfants, mais enjoint à Jésus de transmettre un ordre à Dieu. L’image est surprenante, qui plaque sur le Royaume un fonctionnement humain, mais elle est symbolique du fonctionnement contemporain. L’Église n’aurait-elle pas la tentation de faire traiter la spiritualité comme elle l’entend, au risque de hisser parfois la théologie au rang d’une idéologie ?

 

L’Église a parfois du mal à suivre sa vocation

 

Le souhait de cette mère, mal formulé sans doute, est possiblement l’un des travers de tout un chacun, de savoir mieux que personne ce que devrait faire l’Église et de confondre cette pensée avec une vérité absolue. Sans doute est-ce un troisième risque pour elle que de suivre les avis personnels, au risque de ne pouvoir au bout d’un temps se différencier d’une simple ONG. Prendre un peu de hauteur est difficile, laisser intervenir la spiritualité dans ses choix individuels est délicat, amener une communauté à vivre sa vocation est dès lors particulièrement ardu.

Dans l’évangile selon Matthieu, l’indignation des disciples à cette demande de primauté symbolise aussi un autre risque : la tentation de l’autorité issue d’une interprétation humaine de la Parole, pour se poser en chantre du bon et du mauvais.

 

Se recentrer sur l’essentiel

 

Face à ces points de vigilance, Jésus proposera une autre approche au cercle des disciples. Croisant des aveugles sur le bord d’un chemin, qui évoque la lisière de l’Église, il aura un triple mouvement : d’abord demander aux malades ce qu’ils souhaitent pour eux-mêmes, ensuite ne pas s’offusquer de leur confession de foi partielle et malhabile, enfin être ému de compassion. La première action relève de l’écoute d’autrui, à qui on ne propose pas d’aide qui ne convienne pas ; l’Église n’est pas toute sachante et ne peut prendre pour d’autres les décisions qu’elle pense bonne. La seconde porte sur la clarté de la confession de foi, qui n’est pas un facteur problématique.

L’Église est ainsi invitée à accepter les limites de ses membres comme l’approximation des mots de ce monde, pour mieux se rapprocher des maux qui s’y vivent. Le troisième acte de Jésus semble être plutôt un ressenti : il fut ému de compassion. Il ne fut pas ému d’émotion, mais de compassion, vocabulaire appartenant au registre de la spiritualité.

 

Accoucher l’espérance

 

Le terme paraît central pour comprendre le ministère que les disciples auront ensuite à prendre en responsabilité dans la communauté naissante ; il correspond à l’un des aspects de la vocation de l’Église. Il s’agit de faire passer les réalités, les réflexions, les projets, les idées ou les émotions d’un niveau humain vers la spiritualité, afin que l’humanité puisse s’écrire avec un grand H.

Sans doute la vocation de l’Église devant le monde est-elle ainsi avant tout de le soutenir, pour que ses idées et ses demandes passent d’une situation de quotidienneté à une dimension de transcendance. Un rôle proche de la sage-femme qui aiderait la société à accoucher d’un enfant d’espérance.

 

Contact