Grain de sable
Par Jean-Pierre Sternberger, bibliste régional, pour le magazine Réveil de Centre-Alpes-Rhône
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Mais il se trouve que ce livre accompagne notre civilisation depuis son origine. Il nous sert de référence et d’histoire, de réservoir pour toutes sortes de symboles admirables ou détestables, de scenarii heureux ou catastrophiques.
À l’origine était la Bible…
Comme l’écrit le philosophe Jean-Claude Guillebaud, « La plupart des convictions auxquelles nous adhérons spontanément, celles qui sont inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1948, et qui fondent la démocratie occidentale, trouvent leur source dans le biblique […] Si on cherche à faire la généalogie de ces valeurs minimales et consensuelles, si on tente d’expliquer d’où elles viennent, de quelle histoire, de quelle germination anthropologique, de quels emboîtements successifs elles sont le produit, on s’aperçoit que bon nombre d’entre elles ont lointainement partie liée avec la Bible ». (Comment je suis redevenu chrétien chez Albin Michel).
Une leçon universelle
Outre le fait qu’elle nous accompagne depuis plus de 2 000 ans, la Bible nous transmet le patrimoine grâce auquel nous avons pensé et pensons encore le monde. Ce n’est donc pas un hasard si un des récits bibliques les plus connus, celui du Déluge, évoque la construction d’une arche selon le vieux mot français qui, dans la Bible seulement, désigne un coffre (pensez à celui que les Hébreux transportaient au désert). Or le mot « arche » est de la même famille que « archive ».
On connaît, paraît-il, quelques 300 versions de l’histoire du Déluge. La plus ancienne daterait du début du IIe millénaire avant notre ère. Une autre a été retrouvée dans la bibliothèque du roi Assurbanipal (668-627). Mais toutes ces versions ont été perdues : la seule qui nous soit parvenue est celle de la Genèse. Inlassablement, celle-là fut l’objet de relectures et sources d’interprétations, d’interrogations, de sollicitation à la réflexion. Elle nous raconte comment un jour, un monde prit fin par la faute des humains. Cela peut nous arriver à nous aussi. Elle dit aussi qu’un juste a su, en se montrant solidaire des autres vivants, faire en sorte que la vie reconquière la terre. Chaque lecteur de la Bible se sait depuis appelé à exercer cette justice qui fait que la vie perdure. L’archive biblique qui comprend cette histoire vieille de près de 4 000 ans raconte comment fut sauvegardé le patrimoine génétique de toutes les espèces terrestres, avec insectes et autres oiseaux… dont nous savons qu’ils sont, saison après saison, de moins en moins nombreux !
Des mythes pour le présent et l’avenir
Pourquoi persister à relire la Bible ? L’histoire du Déluge se termine par la promesse faite par le Seigneur que plus jamais, il ne déchaînerait le Déluge (Genèse 8.21-22). Ce dernier ne viendra pas de Dieu. Jésus pourtant annonce qu’au retour du Fils de l’humain, arrivera ce qu’il advint au temps de Noé (Matthieu 24.37-38). Se pourrait-il que la fin vienne des humains ? Présent dans nos archives, le mythe vieux de plus de 3 000 ans nourrit comme jamais notre imaginaire.