Chroniques de Téhéran

Un film d'Ali Asgari, Alireza Khatami, avec Bahman Ark, Arghavan Shabani, Servin Zabetiyan, 1h17, comédie, drame (titre original Ayeh haye zamini).

Le film qui m’a plu

……………..Par……

Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet

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Avant d’aller voir ce film, j’ai regardé un document de l’INA sur l’Iran dans les années 70, peu avant le départ du Shah. Le souverain, occidentalisé, souhaitait moderniser son pays. Mais progrès imposé à marche forcée. Certes la vie à Téhéran pouvait sembler peu différente de ce qu’elle était dans une ville européenne. Mais l’opposition était muselée. L’ensemble du pays vivait encore comme à l’époque de Cyrus. La révolution islamique fut alors vécue comme un mouvement de libération, un espoir pour plus de justice sociale. Hélas elle était entre les mains de l’islam le plus traditionnel.

 

Une vie plein de tracasseries…

 

Le film d’Ali Asgari et Alireza Khatami montre, à travers neuf scènes, à quel point la vie quotidienne aujourd’hui en Iran est pleine de tracasseries. Mais il le fait sur le mode humoristique. Dans la première scène, un homme vient déclarer la naissance de son fils : il veut l’appeler David. Ce prénom n’est pas autorisé car il n’est pas iranien. (Après tout, la scène pourrait avoir lieu dans un autre pays. On se souvient, dans les années 60, en France, on ne pouvait donner à ses enfants de prénoms basques ou bretons…). Mais l’employé suggère, à défaut, un prénom religieux. Soit ! On parle de David dans le Coran. « Ah mais non, dans le Coran, c’est Daoud et non David ! » « Cela veut dire la même chose », reprend le père qui n’a pas envie de modifier son choix. La discussion continue patiemment, on ne sait combien de temps elle a duré, car on passe à une autre scène. Une mère achète pour sa fillette, qui n’en a cure, une tenue pour la cérémonie de rentrée au collège. Il y a plusieurs modèles de vêtements islamiques, simple voile plus ou moins court, ou bien robe et manteau assortis, etc. On a l’impression que la raison essentielle est paraître le plus religieux possible. Les autres élèves ont choisi la tenue complète, selon les dires de la vendeuse qui vante sa marchandise… La maman achète la tenue complète qui dissimulera entièrement la fillette ! « Pourquoi tu ne prends pas une tenue semblable pour toi ? » dit cette dernière à sa mère tout en reprenant ses écouteurs et sa chorégraphie ! « Je suis passée par là, maintenant c’est à ton tour » répond la maman. (Cela me rappelle, un peu, la tenue que portaient autrefois les fillettes catholiques lors de la communion solennelle, qui avait lieu dans l’année des 12 ans, et qui les faisait ressembler à de petites mariées !)

 

De méfiance et de mensonges

 

Cette tenue en effet est celle d’un jour particulier, car plus tard on verra une lycéenne avec une tenue assez différente. Cependant, une chauffeuse de taxi conteste une amende reçue au prétexte qu’elle aurait enlevé son voile dans sa voiture, pourtant lieu privé, non ? Mais, qui a dit que la voiture était un lieu privé ? « On peut vous voir à travers les vitres ! »  Et sa maison, alors, est-ce un lieu privé ? Pas davantage car il y a des fenêtres ! Qu’appelle-t-on alors un lieu privé ? La femme n’a d’ailleurs pas besoin de couvrir ses cheveux puisqu’elle a la tête rasée ! Une lycéenne est convoquée dans le bureau de la directrice car on l’a vue arriver en scooter avec un garçon… Là encore, l’adolescente, tient tête effrontément. C’est elle qui gagnera finalement la partie par un petit chantage. Elle a photographié la directrice quelques jours auparavant dans un parc. Sans doute cette dernière a-t-elle quelque chose à se reprocher au regard de la loi… Que la directrice fasse donc venir le père de la jeune fille pour lui révéler que sa fille a un petit ami ! Où l’on voit comment la méfiance et le soupçon génèrent mensonge et manipulation.

 

Le régime trouve sa force dans une armée de gratte-papier qui appliquent avec zèle les instructions officielles jusque dans les plus petits détails, jusqu’à l’absurde. Certaines scènes sont particulièrement comiques, (par exemple celle dans laquelle un réalisateur vient défendre le scénario de son film). On rit, mais on rit jaune. En réalité, on voit le désespoir ou la colère rentrée des personnes qui toujours tiennent tête à l’administration, qui discutent pour prouver leur bonne foi lorsqu’elles sont injustement mises en cause, mais qui se heurtent le plus souvent à un mur. On sent que par la parole, tous résistent, tous luttent, sans avoir peur. À cela s’ajoutent les abus de pouvoir des petits chefs, employés qui se vengent peut-être de dépendre eux-mêmes de supérieurs tatillons. Il y a peut-être une législation du travail, mais les recruteurs font leur loi, comme l’indique un entrepreneur en maçonnerie à la jeune femme qui répond à une offre d’emploi. Combien d’heures travaillera-t-elle chaque jour ? Cela dépend. Dix ou onze, à moins qu’elle soit « gentille », auquel cas elle peut ne faire que trois ou quatre heures… Elle a compris et le lui montre en le recadrant. Elle s’en va. Il se dit insulté et c’est lui qui l’insulte, en toute impunité. La situation des femmes est particulièrement difficile.

 

La fin du film est étrange, mais elle est peut-être prophétique ! Je vous la laisse découvrir.

 

 

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