De qui s’agit-il ?...
Par Pierre MULLER, pasteur retraité dans la région de Vannes (56).
D’Albert SCHWEITZER (1875-1965), dont on fête cette année le 150ème anniversaire de la naissance. Et c’est bien d’une personnalité « hors normes » que nous parlons, qui avait l’habitude, quand elle explorait un thème ou une réalité, d’aller au fond des choses : quand il étudie l’Histoire des recherches sur la vie de Jésus, il examine les ouvrages de 1 200 auteurs, et quand on lui demande un article sur Bach, il produit un « pavé » de 450 pages qui fait encore référence aujourd’hui et par lequel, nous dit-on, « il a su faire comprendre Bach aux Français de son temps ».
Déjà, pendant sa formation, il a mené de front des études de théologie et des études de philosophie, et jusqu’aux doctorats inclus, s’il vous plaît ! Sans oublier la musique, l’orgue notamment, puisque, dès l’âge de 9 ans, il pouvait accompagner les cantiques pendant les cultes que présidait son père à Gunsbach en Alsace, et il n’a jamais cessé de pratiquer cet instrument.
L’hôpital de Lambaréné construit par Albert Schweitzer. Délaissé au profit de bâtiments plus modernes, il a été classé « Monument historique ». ©︎ Christiane Leplant
À l’âge de 30 ans, il entreprend des études de médecine, mais il a d’autres activités et responsabilités qu’il mène en parallèle. En 1913, il part au Gabon avec son épouse (nom de jeune fille : Hélène Bresslau) pour y créer de toutes pièces un hôpital à Lambaréné, sur un terrain mis à disposition par une station missionnaire ; là, il faudra être tour à tour médecin bien entendu, mais aussi organisateur, chef de chantier, chef d’équipe (ou DRH !). Après une interruption due à la guerre, il y retourne en 1924 et il lui faut tout reprendre à la base ; il s’agira d’un hôpital où le malade pourra venir avec sa famille pour ne pas être trop « dépaysé ». Par la suite, l’hôpital sera régulièrement rénové et amélioré et, depuis le décès du fondateur, il est géré par une association dédiée.
Entre 1930 et 1960, Albert Schweitzer a fait bien des allers-retours entre Lambaréné et son Alsace natale, où il aimait se ressourcer, mais son temps était aussi bien occupé par des tournées de conférences et de concerts au profit de l’hôpital, qui le menaient sur un peu tous les continents. Mais cette collecte de fonds (fundraising aujourd’hui !) était plus que nécessaire, et c’est ce qui garantissait l’indépendance financière de l’établissement.
En 1952, il reçoit le Prix Nobel de la Paix, mais il ne s’arrêtera pas en si bon chemin : en 1957 et 1958, il mènera une campagne de militant pacifiste et lancera plusieurs appels en faveur de la suppression des armes atomiques. Il voulait ainsi alerter l’opinion publique internationale, afin qu’elle contraigne les grandes puissances à s’accorder pour mettre fin aux essais nucléaires.
Sur le plan de l’éthique et du comportement humain, il a développé le concept du « Respect de la vie » : « Je suis vie qui veut vivre, entourée de vie qui veut vivre ». Ceci conduit, dans chaque situation, à se demander ce qui privilégie le mieux la vie sous toutes ses formes, et cela détermine aussi, bien sûr, notre comportement vis-à-vis des animaux.
Somme toute, sur le fondement que sont pour lui le pastorat, la théologie et la philosophie, Albert Schweitzer a su construire son existence pour qu’elle soit au service des autres et au service de Jésus-Christ : médecin, musicien, pacifiste. Il s’agit donc bien d’une personnalité « hors normes », qui est d’ailleurs mieux connue à l’étranger qu’en France, et qui gagne à être connue !
