De janvier à juillet 2025 s’est tenue une exposition sur la Seconde Guerre Mondiale vue à hauteur d’enfants, réalisée par les Archives départementales de la Charente-Maritime. Elle résultait d’un appel à témoins lancé dans tout le département pour récolter des souvenirs directs. Trente-trois entretiens ont été réalisés entre 2022 et 2024 avec des Charentais-Maritimes qui avaient entre 5 et 15 ans pendant la guerre, dont certains protestants de Îles de Saintonge.
Voix de l’enfance
À travers les différentes thématiques (souvenirs d’école, occupation, rationnement, évacuation, libération…) se mêlent voix de l’enfance et documents d’archives : affiches, tracts, circulaires des maires et préfets, photographies, mais aussi éclats d’obus et autres objets rescapés. Entre autres photos, on peut voir notamment le drapeau allemand sur le toit de l’Hôtel de ville de La Rochelle et Royan bombardée au lendemain de la Libération.
On ressent beaucoup d’émotion à lire et écouter les témoignages de personnes aujourd’hui octogénaires, voire centenaires. Parmi elles, Marie Maurice, 102 ans, résidente à la maison de retraite Darcy-Brun à Étaules :
« Au moment de l’évacuation, moi, je devais m’en aller avec ma fille, mon père, ma mère, une grand-mère de 83 ans. On devait évacuer, et puis mon mari a été réquisitionné pour garder les vaches de Madame Prou d’Étaules. Alors il a dit : « Si ma femme s’en va, moi je m’en vais. » Ils ont bien voulu que je reste là. […] Ma fille devait avoir 13 ou 14 mois. […] Au bout de 6 mois, ils sont revenus, mais ma fille ne me reconnaissait pas. J’ai tout le temps été sa sœur, j’ai jamais été sa mère pour elle. […] La guerre, c’est vrai qu’elle fait beaucoup de mal. »
« Karl, il était méchant celui-là. Je l’ai traité de tous les noms quand il a monté son chien-loup sur les toits et fait tuer la chatte de maman devant moi. »
Ou encore Michèle Bertrand, née en 1934, elle aussi résidente à Darcy-Brun :
« On a eu une chambre de réquisitionnée dans la maison pour loger un Allemand. […] Quand il recevait un colis, sur la marche d’escalier qui menait à nos chambres, il y avait toujours un paquet de cigarettes pour mon papa, un savon pour ma maman et des bonbons ou gâteaux pour moi. »
« Mes parents avaient demandé à ces gens ,qui partaient à Cognac, s’ils pouvaient m’accueillir aussi parce que mes parents voulaient rester pour protéger la maison, mais ils voulaient me protéger aussi. Alors, au mois d’octobre 1944, je suis partie avec ces gens […] à pied. Le monsieur avait pris une brouette pour rouler les valises. »
Et aussi Nicole Olivier, née en 1941, de Vaux-sur-mer :
« [Les avions] allaient sur Royan et ils sont passés par Vaux. […] La ferme de mes parents a été détruite complètement. […] Papa sentait venir les choses et avait fait des abris dans la forêt voisine à 3 km. […] Je revois dans mes souvenirs d’enfant de 4 ou 5 ans des brebis de mon père qui avaient une oreille brûlée, et je trouvais ça triste. »
Une expo d’utilité publique
« Ne pas oublier pour ne pas reproduire », tel pourrait être le slogan de cette exposition aujourd’hui alors que la guerre fait rage dans bien des régions du globe et où enfants et civils sont plus que jamais pris pour cibles. La résistance commence dès maintenant.
Le carnet d’exposition est disponible aux Archives départementales de la Charente-Maritime
35 rue François de-Vaux-de-Foletier
17042 LA ROCHELLE CEDEX 1
05 46 45 17 77