Saphira, unie à Ananias pour le meilleur et pour le pire

Théovie : Femmes du Nouveau testament

 

Nicolas Poussin – Mort de Saphira_Musée du Louvre

par Jean Loignon, Eglise Protestante Unie de Loire-Atlantique

 

C’est une histoire horrible, qu’on s’étonne de trouver dans le Nouveau Testament, où est censé rayonner l’amour du Christ. 

Parce qu’il se passe au sein de la première communauté chrétienne, nommée ici pour la première fois « église », ce récit peut tout à fait nourrir un anticléricalisme primaire. C’est dans le livre des Actes (4,32 – 5,11) et c’est l’histoire d’un couple, celui d’Ananias et de Saphira, présentée par Théovie, dans son cycle « Femmes du Nouveau Testament ».

Nous sommes peu après la Pentecôte et ses premières conversions. Sous la direction des apôtres et particulièrement de Pierre, s’est constitué une sorte de kibboutz urbain chrétien, pratiquant un communisme intégral car ils étaient un seul cœur et une seule âme (4,32). Et comme de grands écarts de richesses séparaient les membres de la communauté, ceux qui étaient riches étaient fortement incités à vendre tout ou partie de leurs biens et à en remettre le prix aux apôtres qui en assuraient le partage de façon égalitaire.

 

Un mensonge qui divise

 

Le couple Ananias et Saphira juge bon de ne pas remettre l’intégralité de la vente d’une propriété à Pierre, qui divinement averti, dénonce publiquement le mensonge d’Ananias, lequel meurt aussitôt. Son corps est évacué pour être enterré par quelques jeunes de la communauté. Alors absente et ignorant le sort de son mari, Saphira arrive et subit l’interrogatoire de Pierre. Elle confirme naïvement la supercherie, à laquelle elle semble avoir été étroitement associée. Pierre lui révèle la mort de son mari et lui annonce un sort analogue. Saphira expire aussitôt et les « nettoyeurs » se chargent de l’inhumer.

 

Certes, il ne s’agit pas d’exécutions, comme des sectes peuvent en commettre. Le couple a menti devant Dieu mais son péché n’est pas présenté comme une mort spirituelle, mais comme une mort réelle, avec les détails matériels à la clé. Aucune offre de repentir, aucun pardon et on pense immédiatement à la parole de Jésus s’interposant lors de la lapidation d’une femme adultère : que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre… (Jn 8,7). Or, précisément, Pierre n’a-t-il pas fait bien pire qu’un détournement de fonds, en reniant Jésus trois fois lors de la nuit de la Passion ? Comment expliquer cette dureté de cœur prêtée à Pierre, le premier des apôtres ? N’y aurait-il pas chez l’auteur de ce récit une intention critique visant sa primauté et la radicalité des premières communautés ?

 

A cette époque, les femmes étaient des mineures, n’existant que par leur statut de fille, d’épouse ou de mère, souvent sans identité propre. Or, le texte nous présente un couple, où le mari et la femme sont nommés, agissent à égalité, loin de la soumission habituelle à laquelle étaient vouées les femmes. Cette conception étonnamment moderne n’a-t-elle pas été jugée alors comme un facteur aggravant, justifiant une égalité dans le châtiment ?  Une Saphira soumise et ignorante aurait-elle sauvé sa tête, devant une direction bien masculine de l’Église ? Et qu’a pensé Marie de Magdala de cette affaire?

Alfred Loisy, exégète et prêtre (dissident) catholique a écrit : « Jésus annonçait le Royaume et c’est l’Église qui est venue ». Pour le meilleur et pour le pire, car la peur saisit toute l’Église et tous ceux qui apprenaient l’événement. (Ac 5,11).

 

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