Le 78ème Festival de Cannes s’est affirmé comme un miroir du monde, où les fractures sociales, politiques et humaines ont été au cœur des récits. Le cinéma y a abordé sans détour l’autoritarisme, la guerre, l’exil, mais aussi l’amour, la résilience ou la quête de vérité. Une édition forte, parfois inégale, mais toujours vibrante de préoccupations contemporaines.
Le ton a été donné par des œuvres venues d’Iran, du Brésil, d’Espagne ou de Belgique. Panahi, Mendonça Filho, Laxe ou les Dardenne ont proposé des visions sensibles et engagées. Un simple accident (Panahi), fable burlesque et grave, a reçu une Palme d’or saluée pour sa finesse et sa force politique. Valeur sentimentale de Joachim Trier (Grand Prix), portrait familial tout en nuances, ou encore l’exceptionnel Sirat (prix du Jury) qui, comme une parabole, propose une descente aux enfers évoquant la figure de Job et d’une apocalypse, ont marqué cette édition. Les prestations de Wagner Moura dans l’Agent secret et de Nadia Melliti (La petite dernière) ont été justement récompensées, tout comme le scénario de Jeunes Mères des Dardenne, chronique délicate de la maternité précaire.
Le palmarès reflète un cinéma de la dignité et se confirme avec les choix de plusieurs autres jurys. À l’image du Jury œcuménique, qui a justement aussi couronné Jeunes Mères pour son regard empreint de tendresse et d’espérance. Un film où la fraternité, discrète mais agissante, dit la possibilité d’un avenir au cœur même de la vulnérabilité. Une preuve encore que, pour reprendre la motivation, « l’amour peut perdurer, même quand la famille, cette structure sociale fondamentale, est défaillante, quand les circonstances sont défavorables, quand le fardeau des responsabilités d’adultes pèse sur la jeunesse. » Le Prix de la Citoyenneté a lui honoré Un simple accident pour sa dénonciation du pouvoir autoritaire, tandis que L’Agent secret a conquis le prix de la critique internationale.
Malgré des choix parfois discutables, comme Alpha de Julia Ducournau, Eddington d’Ari Aster ou The Phoenician Scheme de Wes Anderson, cette édition a témoigné d’un cinéma inquiet mais habité. Un cinéma qui interroge, bouleverse, mais aussi console.
Jean-Luc GADREAU