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Cinéma : « La Femme qui en savait trop »
Partage
Portrait d’une femme iranienne

Un article paru sur le site de Pro-Fil ( Pro-Fil)
Réalisation
Nader Saeivar, né en 1974, est un réalisateur et scénariste iranien qui a été le coscénariste de Trois visages (Jafar Panahi, 2018, Prix du meilleur scénario à Cannes). Il a également réalisé Namo en 2020 et Sans fin en 2022. La Femme qui en savait trop a reçu de nombreux prix dont celui du Public à Venise en 2024.
Résumé
En Iran, en 2022, Tarlan, une professeur de danse à la retraite, subit au quotidien l’inique loi islamique des mollahs qui vise avant tout les femmes. Son fils est en prison et sa fille adoptive, Sara, également professeur de danse, est régulièrement battue par mon mari.
Analyse :
Tourné clandestinement en Iran et ayant pour titre original Le témoin, ce film dresse le portrait d’une femme iranienne qui fait le constat au quotidien, sans jamais s’en accommoder, des méfaits du régime et du dévoiement moral qui l’accompagne ; le port obligatoire du voile discrimine les femmes, la société est corsetée et l’Etat est corrompu. Incarné par Maryam Boubani, l’une des premières actrices à avoir ôté le hijab au début du mouvement Femme, Vie, Liberté de 2022, Tarlan montre un visage émacié, déterminé et l’on décèle de la colère dans ses yeux noirs, vifs. Elle a fait de la prison et dirige le Syndicat des professeurs. Une très belle scène de danse ouvre le film illustrant la grâce féminine ainsi que la grandeur de la culture iranienne. Tarlan a transmis sa passion de la danse à Sara et à sa fille, Ghazal. Trois générations de femmes, dont la vie est gâchée, espèrent voir un jour le régime tomber. Quand, dans ce monde patriarcal, Tarlan est le témoin d’un meurtre, on sent que les choses vont mal aller pour elle. David contre Goliath, le combat est inégal et la peur se développe. A la faveur du mouvement Femme, Vie, Liberté, beaucoup de jeunes femmes s’affichent sans voile dans la rue. Dans une mise en scène plutôt resserrée, les dialogues, nombreux, sont bien écrits et frappants, comme entre Tarlan et son gendre Solat et aussi entre Tarlan et son fils. Certaines ellipses restent énigmatiques comme lorsque Tarlan est abandonnée dans le désert. La fin est très réussie, pleine de la jeunesse de Ghazal qui, pour fuir le désespoir, danse dehors les cheveux au vent dans la rue : une scène en contrepoint de la scène d’ouverture. Mais, après le générique et les images d’archives montrant des manifestantes battues par la police, s’étalent les dates de décès de quelques-unes d’entre elles, mortes à 23 ans, à 22 ans, à 20 ans. On reste saisi.
Françoise Wilkowski-Dehove