Les banshees d’Inisherin

Le film qui m’a plu

Par Roseline Cayla

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Dans mon imaginaire de jeune lectrice, jadis, les îles avaient toujours à la fois quelque chose d’inquiétant et quelque chose d’attirant. Qu’il s’agisse d’îlots dans « La grande rivière » chez Henri Bosco, d’îlots près de la Corse chez Mérimée, de l’île de Sein ou d’autres encore près de la côte Atlantique, ces lieux me semblaient voisiner avec l’autre monde !

L’histoire que nous raconte le film de Martin McDonagh Les banshees d’Inisherin se déroule justement dans une de ces îles mystérieuses. Pour tout dire, j’ai voulu savoir où se trouvait exactement cette île d’Inisherin, elle n’existe pas ! Le film a été tourné dans les îles d’Aran et d’Achill. Ce titre est aussi celui d’une chanson qu’écrit Colm lors d’une de ses apparitions au pub. Pourquoi des banshees ? demande-t-on à son auteur. Parce que ça sonne bien ! Les banshees sont des sortes de sorcières ou de fées du folklore irlandais qui annoncent généralement la mort. Dans cette histoire il y en a une, c’est une des vieilles femmes qui portent encore le costume traditionnel. Nous sommes en 1923. Au loin sur « la grande île », c’est la guerre civile.

Une histoire fascinante : deux amis, Colm (Brendan Gleeson) la soixantaine, et Padraïc (Colin Farrell) qui a l’âge d’être son fils. Les deux amis se brouillent sans motif réel, si ce n’est, pour chacun, l’obstination à persister dans une attitude que l’autre ne comprend pas. Peut-être n’ont-ils pas les mots qu’il faudrait pour dire les choses sans que l’autre se sente blessé. Peut-être le fait de vivre loin de tout les a-t-il peu à peu « rétrécis », comme tous les hommes du lieu, qui tous les jours se retrouvent au pub à 14 heures, pour échanger des banalités devant une pinte. Ils boivent pour oublier l’inéluctable. Colm, lui, voit approcher cet inéluctable, il le dit, c’est pour cela qu’il décide de laisser une trace, ce que Padraïc ne comprend pas : qu’y a-t-il de mieux que boire une bière en bonne compagnie ?

Il y a l’épicière à l’affût des nouvelles, et qui n’aime pas les gens qui ne disent rien ! Il y a la sœur aînée de Padraïc, qui ne dit rien et qui veille sur lui depuis la mort de leurs parents. Il y a une femme qui chante, au pub. Il y a la banshee que l’on croise sur les chemins de ces modestes demeures à l’écart les unes des autres. Il y a la statue de la Vierge écartant ses bras sous son long voile. On la voit de dos, au début du film, tournée vers le hameau, où se tiennent, sous leurs longs voiles aussi, les vieilles femmes. On la revoit à divers moments. Je l’imagine disant : « Ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Et il y a les innocents, victimes de la méchanceté : une petite ânesse, et un jeune garçon un peu simple, Dominic, soumis à la bestialité de son père, et qui voudrait être aimé.

Un film où la douceur côtoie le terrible, autour de deux personnages qui, pris dans un mécanisme fatal, semblent sortis d’un récit mythologique.

NDLR : « Inish » signifie « île » et « Erin » est une façon poétique de dire Eire ou Irlande. Donc « Inisherin » l’île fictive du film, veut dire « île d’Irlande ».