Paul TILLICH, « Le courage d’être »

3. De quoi avez-vous peur ? Le courage et l’angoisse

 

Par Emile Genouvrier, Eglise Protestante Unie  de  Touraine

 

 

Rappelez-vous, chers lecteurs  : le courage est l’affirmation de soi, en dépit  de ce qui empêche le soi de s’affirmer. C’est le courage d’être en dépit du  non-être.  

Le non-être est donc pour Tillich un concept aussi central que celui de l’être. 

La vie ne peut se penser que par opposition à la non-vie. Et réciproquement.  Un exemple banal ? Ce vécu maternel si souvent exprimé : « Dès qu’on a un enfant on n’est jamais plus tranquille »  La vie arrive avec la crainte immédiate de la mort.

 

La crainte… La peur… 

 

La crainte en effet.

Les peurs qui nous habitent : de la maladie, de la perte d’emploi, de la  guerre, de la finitude… De ne pas être à la hauteur. De ne pas y arriver…  Ce qu’elles ont en commun : un objet. La crainte a toujours un objet contre lequel on peut lutter avec courage … Consciemment ou pas.  Et d’ailleurs à tout âge : les enfants aussi ont peur. Et ils demandent secours aux parents.

 Mais autre chose est l’angoisse.

 

 Un lieu étroit et resserré… 

 

C’est en latin et encore en ancien français le sens du  terme angoisse : ce qui vous coince et vous resserre, ce qui comprime la respiration.  Ce qui vous tombe dessus et peut conduire à la panique sans aucune raison. Sans objet précis.

 Telle est l’angoisse mise à nue par la psychologie des profondeurs aussi bien que dans les années 1960 par la philosophie existentialiste. L’angoisse c’est le vécu du non-être comme tel, nous dit Tillich. 

C’est la nuit de l’esprit des grands mystiques; le non-sens absolu vertigineux  vécu par Nietzsche. C’est le désespoir total de Luther sous les assauts du  démon,  décrit comme une inimaginable horreur.

 

Éloigner l’angoisse à tout prix … 

 

C’est pourquoi l’on tente constamment de transformer l’angoisse en crainte :  car la crainte est paradoxalement rassurante ! Elle a un objet contre lequel on  peut lutter.

Et notre auteur d’écrire p. 32 : « L’esprit humain n’est pas seulement comme  l’a dit Calvin une fabrique permanente d’idoles. Il est aussi une fabrique  permanente de craintes : la première pour échapper à Dieu, la seconde pour  éviter l’angoisse »

Mais c’est en vain!

Ces tentatives sont vaines car on ne peut éliminer l’angoisse fondamentale.  Angoisse de notre finitude ; angoisse d’avoir-à-mourir, qui nous est  constamment rappelée par la mort des autres. 

 

L’angoisse appartient à l’existence même.

 

Le non-être nous habite en même temps que l’être.

Ou bien : l’être nous habite en même temps que le non-être. Ce n’est pas  anodin de le dire dans ce sens : le courage est précisément ce par quoi  l’être  s’affirme constamment contre le non-être.

En termes plus familiers pour nous c’est à quoi rappelle le Deutéronome:  « J’ai mis devant toi la vie et la mort , la bénédiction et la malédiction : choisis  la vie  » Deut.32,19

On pourrait ajouter : choisis la vie avec courage… Et se tourner en situation  extrême vers le Christ en Croix et le psaume 22 : dans l’angoisse absolue de son avoir-à-mourir, Jésus expire la question ultime : Pourquoi?  

Lui qui avait posé aux disciples embarqués affolés par la tempête la question  qui ouvre l’émission protestante du dimanche matin sur France Culture: « De  quoi avez-vous peur? N’avez-vous pas encore la foi? »

Courage et transcendance…Tel est le dernier chapitre du Courage d’être . 

Nous n’y viendrons vraiment qu’au printemps !

La fois prochaine, Paul Tillich nous aidera à distinguer les trois grands types d’angoisse . 

 

Précédemment :

Paul Tillich – Le Courage d’être 1.Lire Tillich au fil des mois.

Paul Tillich – Le Courage d’être 2.Le courage : une vertu parmi d’autres ?

 

©︎ Éditions Labor & Fides

Ces courts articles suivent l’édition par Labor et Fides du livre de Paul Tillich traduit en français d’après l’édition américaine de 1952 par Jean Pierre LeMay en 1998. Nous sommes ici son chapitre II, Etre non-être et angoisse. 

 

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