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Paul TILLICH, « Le courage d’être »
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4. Les trois types d’angoisse
par Emile Genouvrier, Eglise Protestante Unie de Touraine
Le courage d’être, c’est de faire face au non-être ; concrètement, c’est affronter les forces redoutables de sa manifestation : l’angoisse. Cela, chers lecteurs de cette petite chronique mensuelle, nous l’avons maintenant bien compris !
Compris aussi que pour l’ éliminer, nous passons notre temps à la fixer sur des craintes, qui elles au moins ont un objet !
Mais, écrit Paul Tillich, « Ultimement, les tentatives pour transformer l’angoisse en craintes sont vaines. On ne peut éliminer l’angoisse fondamentale, l’angoisse d’un être fini devant la menace du non-être. Elle appartient à l’existence même. »
L’angoisse est donc existentielle !
Et au cœur de l’existentialisme philosophique et littéraire, elle occupe une place centrale. Jean-Paul Sartre publie son livre majeur « L’être et le néant » en 1943, Albert Camus « L’étranger » en 1942, Franz Kafka « Le procès » et « Le château » dans les années 20.
Rappelons que « The Courage to Be » de Paul Tillich rassemble des conférences données aux Etats-Unis vers 1950 … Toutes œuvres qui analysent ou illustrent notre condition humaine aux prises avec l’angoisse et les forces du non-être.
Donner un statut au courage d’être impose donc de donner un statut à l’angoisse, et une analyse fine de ses manifestations.
Les trois grandes familles d’angoisse
Paul Tillich distingue trois grandes familles de l’angoisse ordinaire à toute vie, qui correspondent aux trois directions selon lesquelles le non-être menace l’être :
Nous développerons chacune de ces grandes catégories, qui ne sont pas exclusives : elles cohabitent en nous, la première étant évidemment la plus fondamentale. La conscience de la mort, la certitude d’avoir à mourir s’impose avec toute sa violence, même dans notre culture qui ne veut pas la voir et qui fait tout pour la masquer.
Les grandes périodes d’angoisse
Paul Tillich voit la confirmation de son analyse dans l’histoire de la civilisation occidentale.
À la fin de la période antique, avec le conflit des Empires, la conquête de l’Orient et de l’Occident par Rome, puis le passage de la république romaine à l’empire avec la tyrannie des empereurs et tous les troubles qui s’ensuivent, l’individu éprouve d’être à la merci de puissances qui échappent totalement à son contrôle et à ses prévisions. Ce qui donne lieu à une terrible angoisse mais aussi à la recherche d’un courage qui permette d’affronter la menace du destin et de la mort. Comme la philosophie des Stoïciens.
Sous l’effet du message judéo-chrétien, c’est l’angoisse de la culpabilité et de la condamnation qui devient primordiale. Si une période, écrit notre auteur, mérite le nom d’ « âge de l’angoisse », c’est bien celle de la pré-Réforme et de la Réforme.
L’angoisse de la condamnation symbolisée par la « colère de Dieu » et intensifiée par l’imagerie de l’enfer et du purgatoire. Avec la recherche pour la calmer de pèlerinages dans des lieux saints, d’exercices ascétiques, de dévotion aux reliques, d’acceptation de punitions ecclésiastiques etc. Comment puis-je obtenir le pardon de mon péché et apaiser la colère de Dieu : telle est la question centrale.
On ajoutera que l’absolutisme du Roi et des princes et leur administration bureaucratique et militaire ne pouvaient que renforcer la double angoisse du doute et de la culpabilité.
Dans une troisième période, qui naît avec les Lumières, l’effondrement de l’absolutisme et le développement du libéralisme, de la démocratie et la montée d’une civilisation technique font naître à la fois le sentiment d’une totale maîtrise de l’homme sur son destin et, quand vient la désillusion, une angoisse du vide et de l’absurde. Nous y sommes encore et particulièrement en ce temps d’accélération inédite et déstabilisante de tous les moyens techniques nés de l’intelligence humaine ; et de pertes des grands systèmes organisationnels que furent la religion chrétienne et les idéologies communistes.
Nul doute que nous vivons dans nos démocraties occidentales et particulièrement en France une période d’angoisse liée à une perte de repères collectifs et personnels, une menace de destruction écologique, politique, morale et spirituelle.
C’est d’ailleurs pourquoi nous nous intéressons tellement à ce qu’écrit le grand théologien protestant qu’est Paul Tillich !
Et que nous continuerons ensemble de le lire….
Précédemment :
Paul Tillich – Le Courage d’être 3.De quoi avez-vous peur ? Le courage et l’angoisse
©︎ Éditions Labor & Fides
Ces courts articles suivent l’édition par Labor et Fides du livre de Paul Tillich traduit en français d’après l’édition américaine de 1952 par Jean Pierre LeMay en 1998.
Cet article se réfère à la fin du chapitre deux.