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Cultes en ligne, concurrence ou complémentarité ?
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À l’annonce du confinement, la réactivité de l’Église et des paroisses a été remarquable et des dispositifs inimaginables il y a seulement trois mois ont été mis en place en un temps record. Quand on connaît le poids des habitudes dans les paroisses cela tient du miracle et c’est le signe que la nécessité nous donne des ailes.
De mémoire protestante, on n’avait jamais vu ça : la fermeture des temples et autres lieux de culte. Il faudrait remonter à la Révocation de l’Édit de Nantes (1685 !) pour trouver un exemple approchant. Mais c’était alors par un acte d’absolutisme arbitraire alors que la présente décision a été consensuelle, du moins en France.
Une expérience riche
Le recours à des outils numériques a été généralisé : l’utilisation de Youtube pour filmer les cultes se pratiquait déjà, celle des visio telle que Zoom a séduit par sa souplesse et son potentiel d’interactivité.
L’expérience des cultes en ligne a été très riche. Le culte est allé à nous, dans l’intimité de nos intérieurs et une certaine souplesse a sûrement convenu à des membres de l’Église que rebutait le déplacement dominical vers un temple, parfois éloigné en région de dissémination. Aller au culte traditionnel a d’incontestables avantages mais il faut aussi reconnaître que c’est une démarche qui vous rend « captifs » dans un lieu et pour un temps. Cela ne se fait pas de siroter son café pendant la prédication et aucune coupure vidéo ne vous rend invisible, si tel est votre souhait.
La logique de desserte géographique se trouve donc interpellée et la gestion territoriale des lieux de culte ne pourra faire l’impasse à l’avenir de cette expérience. Il ne faudrait pas appréhender cette mutation en termes de concurrence plus ou moins loyale – les paroisses n’ont pas toutes les mêmes ressources humaines et matérielles – mais comme un possible partage de richesses.
Les cultes à distance nous amènent à réfléchir sur leur sens. Un culte filmé sur Youtube dans un temple vide met l’accent sur la figure et le rôle du pasteur ou de l’officiant assurant la liturgie et la prédication. Un culte en visio avec sa mosaïque de visages rend davantage visible une communauté devenue invisible ; les dispositifs de « conversation » permettent l’intervention en direct et peuvent nourrir par exemple l’intercession ou les annonces.
Qui amène une réflexion sur la Cène
Même interrogation pour la Cène. À la différence de nos frères catholiques pour qui l’eucharistie fonde la messe, nous protestants, pouvons nous en abstenir, car ce sera toujours la parole prêchée qui primera. Mais nous ne pourrons faire longtemps l’économie d’une réflexion sur ce sacrement, permettant éventuellement sa mise en œuvre à distance. Qu’est-ce qui fonde en effet la Cène ? La vision de l’invocation, de la fraction et du partage du pain et du vin par les mains du pasteur ou de l’officiant ou bien l’acte de mémoire du dernier repas du Christ par une communauté rassemblée même virtuellement où chacun prendra chez lui le pain et le vin du sacrement ? Est ouvert un débat qui se rapproche des thèses luthériennes dans le premier cas et de celle de Zwingli et Calvin dans le second.
Reste que si l’impossibilité de se réunir revenait, la question de nos deux sacrements, celle du baptême et de la Cène, finirait par se poser. La solution est évidemment dans l’espérance d’une amélioration de la situation nécessaire et il nous incombe d’aider cette espérance ; mais nous pourrons compter demain comme aujourd’hui sur un saint esprit de réforme et d’imagination au service l’Évangile.
Jean Loignon, Église protestante unie de St-Nazaire