Conscience écologique
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Par Jean Loignon
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L’opinion commune a rapidement rangé cette nouvelle parmi les phénomènes spectaculaires et lointains, au même titre que la fonte de la banquise arctique ou la sécheresse suivie de déluges en Australie. À leur décharge, la chronique du dérèglement climatique, malheureusement abondante, tend à banaliser ces faits et provoquer un certain fatalisme. À quoi s’ajoute l’idée que le climat européen, qui allie d’ordinaire variation et modération, nous préserverait de ces lointaines infortunes.
Une prise de conscience
Au printemps 2022, un événement inattendu est venu bouleverser l’univers si identitaire de la cuisine française. La moutarde a totalement disparu des étagères des épiceries de France. Le fait paraît a priori subalterne, car nul ne se nourrit de moutarde, qui n’est qu’un condiment ; cette pénurie inédite a provoqué une prise de conscience.
Les Français si jaloux de leur patrimoine culinaire ont alors réalisé que la moutarde, à commencer par leur emblématique « moutarde de Dijon », était presque totalement fabriquée à partir de graines produites au Canada et que les malheurs climatiques des Prairies canadiennes étaient responsables de l’absence du précieux condiment qui relève le goût de nos mets. Leçon de mondialisation servie sur le bord de nos assiettes !
Paradoxalement, le fait qu’un dérèglement climatique puisse toucher un produit alimentaire si banal a frappé davantage les esprits que les inquiétudes annoncées sur les céréales essentielles pour les peuples du Sud. La pénurie de moutarde ne tuera personne et se plaindre de cette privation peut paraître parfaitement indécent.
Un étalon de notre foi
Mais cette histoire minuscule à l’échelle de l’alimentation mondiale fait écho à la présence de la moutarde dans les Écritures, précisément dans les évangiles de Matthieu, Marc et Luc. Les peuples de l’Antiquité goûtaient la moutarde, la consommaient, et tous savaient la petitesse proverbiale de ses graines. Au point que Jésus utilise dans ses paraboles la graine de moutarde comme étalon de notre foi, tout en lui prêtant d’immenses capacités pour peu qu’on l’ait et qu’on la cultive :
« C’est bien la plus petite de toutes les semences, mais quand elle a poussé, elle est la plus grande des plantes potagères : elle devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent faire leurs nids dans ses branches. » (Matthieu 13.32)
La conscience écologique et le sentiment de responsabilité devant la Création peuvent-ils croître comme des graines de moutarde ? Des gestes modestes mais démultipliés par millions par une foi maintenue peuvent-ils sauver le monde ? Notre salut en dépend, à la saveur de… moutarde !