Cent ans de fraternité, ça se fête

Samedi 8 octobre, dans l’aube encore noire de ce début d’automne, des ombres s’agitent devant la Frat’, rue de l’Île-de-France à Saint-Nazaire : on déplie des barnums, on édifie des stands, un chariot élévateur dispose des blocs de béton pour isoler la rue, on sort tables et chaises… On prépare la fête avec ce slogan : « Cent ans de fraternité, ça se fête ! »

© Frat’ de Saint-Nazaire

Par Jean Loignon

 

Eh oui ! Cela fait cent ans que la Mission populaire évangélique de France (MPEF) a pris ses quartiers à Saint-Nazaire, dans des lieux successifs mais toujours au service des plus défavorisés. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont de Saint-Nazaire, la Frat’ a changé et elle est toujours là. Et en ce petit matin, s’activent des bras solidaires, ceux des salariées et des habituels bénévoles souvent vieillissants, mais aussi ceux, souvent plus vigoureux, des précaires, SDF, migrants et autres accueillis de la Frat’…

 

Un pari gagné

 

« Cette fête, nous en avions rêvé… ». Voulue pour marquer le renouveau de l’association promue Espace de vie sociale (alias maison de quartier), différée à cause de la pandémie, la fête reposait sur un pari : vous avez besoin de la Frat’ hier ou aujourd’hui ? Et bien, la Frat’ a besoin de vous !

Pari gagné au-delà de nos espérances. Toute une journée d’affluence, de musique, de théâtre, de clowns, de cours de langues inversés (apprendre des rudiments d’érythréen quand on est Français) ; le gospel se mélange aux accents d’une chorale dite « de la rue » et à ceux de la philharmonie des Deux Mondes. Les partenaires de la Frat expliquent leurs champs d’action ; l’Église protestante unie est là dans cette Frat où certains croient au ciel et d’autres pas du tout. Et en fin d’après-midi, la présence et l’allocution du maire de Saint-Nazaire, David Samzun, consacre l’insertion dans la cité d’une Fraternité en pleine forme. Place alors à un banquet, dont les plats préparés par les migrants des cours de FLE (Français langue étrangère) offrent le visage d’une mondialisation pour une fois positive.

 

Une quête de la mémoire

 

Durant toute cette journée, un stand un peu à l’écart a tenté de représenter la mémoire de cette Fraternité, avec un panneau de l’exposition des 150 ans de la MPEF. Un diaporama et une modeste affiche, recensent les noms des acteurs de cette aventure sur cent ans, depuis les pasteurs marquants de l’après-guerre jusqu’aux nombreux bénévoles animant l’association, en passant par les modestes « petites mains » qui ont concrètement construit et entretenu les locaux. Cette quête de la mémoire s’est sue et ce fut une grande joie pour son initiateur*, au terme de cette journée, que de recevoir des messages de personnes se souvenant avec chaleur de la Frat’, dans laquelle elles avaient vécu ou grandi 70 ans auparavant.

Une parabole de l’évangile de Luc (14.15-24) imagine un homme invitant ses amis à un fastueux banquet. Mais ceux-ci le boudent et multiplient les prétextes pour ne pas venir. Dépité, l’invitant envoie ses serviteurs quérir à la place « les pauvres, les estropiés, les aveugles, les boiteux… », quitte à utiliser la force envers les récalcitrants. Et hors de question que les premiers invités saisis de quelques regrets viennent : ils sont exclus définitivement.

Je pensais à cette parabole a priori amère durant cette fête joyeuse et colorée dans une rue ensoleillée de Saint-Nazaire, où l’exclusion avait été pour une fois bannie. Comme si l’humour de Dieu avait choisi cette Frat’ si laïcisée pour aller au delà de la parabole et nous montrer un bout de son royaume « déjà là et à venir ».

 

© Frat’ de Saint-Nazaire

 

*NDLR : L’initiateur étant l’auteur de cet article, Jean Loignon.

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