Par Philippe Malidor, Église protestante unie du Cher
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Nous avons parcouru 3800 kilomètres jusqu’à l’Île de Skye et retour, sans que j’aie eu à utiliser le moindre outil sur notre vieille voiture.
Une leçon d’humilité
Tous les jours, toutes les nuits, je me bats contre mes angoisses. Nous avons déjà franchi plusieurs étapes. Chacune nous éloigne de chez nous. La 607 a 23 ans et plus de trois tours de compteur. Tiendra-t-elle ? Je crois que Dieu nous accompagne. Mais est-il là pour nous éviter tous les ennuis ? Et qu’est-ce qu’une panne de voiture loin de chez soi en comparaison des maladies incurables que plusieurs de nos proches endurent sans que nos prières soient exaucées ? Je sens bien le ridicule total de mes inquiétudes. Rien de ces éventuels déboires mécaniques ne serait grave, même avec toutes les complications afférentes. Toute ma théologie s’avère dérisoire, comme je l’ai toujours pressenti : c’est bien que je sache plein de choses sur Dieu, mais quelle est ma confiance concrète, quotidienne, en lui ? Dans la barque secouée par la tempête, Jésus… dormait. Moi, je m’endors mal parce que j’ai peur que la bagnole ne tienne pas. Belle leçon d’humilité !
Une confiance à renouveler
La connaissance livresque n’a rien à voir avec la connaissance intime de Dieu. Toute ma vie, j’ai vu à quel point Dieu nous a accompagnés, même dans les pires épreuves. Mais on ne peut pas faire des stocks de foi pour l’avenir : la confiance est toujours à renouveler. Les scénarios pénibles qui tournent en boucle dans ma tête sont absolument, radicalement inutiles puisque l’avenir, par définition, n’existe pas. J’ai relu des centaines de fois les propos de Jésus sur les inquiétudes pour le lendemain ; ils m’aident un peu, mais que c’est dur à mettre en pratique ! Au moment où j’écris ce paragraphe, il faut encore aller à l’Île de Skye, encore plus loin, encore plus haut. Que d’étapes déjà réalisées, et sans ennuis ! Mais au nom de quoi pourrais-je avoir la certitude que ça va continuer sur cette bonne lancée ? Il faut juste avoir la foi qu’on est accompagnés, rien que ça.
Un démarrage à la poussette
Donc, disais-je, nous sommes rentrés sans encombre. Nous avons été émerveillés par la création dont l’Écosse est une vitrine époustouflante. De quoi aviver notre gratitude envers Celui qui a façonné tout cela, quelle que soit la manière dont il s’y est pris. Mais le Seigneur de l’univers parle aussi dans les choses les plus petites et les plus prosaïques.
Déjà en Écosse, le démarrage de la 607 devenait de plus en plus difficile. Après notre retour, trois petits déplacements et peut-être dix coups de démarreur plus tard : démarreur mort. Heureusement, nous ne sommes qu’à 50 kilomètres de chez nous, un démarrage à la poussette nous permet de rentrer à la maison. Deux jours, plus tard, avec mon fils, j’aurai remplacé la pièce.
Or, cette histoire de démarreur, telle qu’elle s’est déroulée, me donne à réfléchir. La qualité des automobiles Peugeot aurait été une explication suffisante si, quelques mois plus tard, je n’étais toujours pas resté en rade. Pourtant, déjà, j’avais eu cette pensée : si la voiture tombe en panne juste après notre retour, je pourrai vraiment en conclure que Dieu l’a gardée juste le temps qu’il faut. Je fais partie de ces gens qui n’assignent aucune limite à l’omniscience de Dieu (sinon, elle ne serait pas omni). Lui, il savait quel était mon « crédit-démarreur ». Comment s’est-il arrangé pour que je ne l’utilise pas en excès, pour qu’il ne défaille point (par exemple juste avant notre embarquement sur le ferry), pour que nous ayons le temps de rentrer sans le moindre incident ? Tout ce que je sais, c’est que des complications fâcheuses nous ont été évitées.
Et que, la prochaine fois, ma confiance en Dieu devra prendre des formes renouvelées (lire Jean 9.25b…).