Justice restaurative – Peut-on vivre en paix dans l’Église ?

Injustice, conflits, violence : les Églises se révèlent parfois semblables au monde qui les entoure. Les principes de la justice restaurative peuvent constituer des voies de paix pour sortir des impasses et des frustrations.

© Diego PH/Unsplash

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Par David Steinwell

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En recherche spirituelle, participant à la vie d’une communauté locale ou engagé dans des responsabilités paroissiales, chacun projette sur l’Église une compréhension de l’Évangile et en attend quelque chose de différent. En témoigne une réaction fréquente, lorsque la personne ne se sent pas accueillie ou qu’une tension se fait jour : « dans l’Église, cela ne devrait pas se passer comme ça. »

 

Comme toute communauté

 

Comme si la vie des chrétiens devait se différencier de la vie « du monde », beaucoup pensent que l’Église devrait être le lieu où se mettent en œuvre des préceptes bibliques d’amour inconditionnel et de fraternité effective. Or les paroisses ne sont pas connues pour toujours gérer les conflits et les aspirations de chacun de manière exemplaire et pacifiée.

La communauté ecclésiale, cellule locale d’une expérience chrétienne possible, est avant tout un groupe d’hommes et de femmes soudés par une espérance en même temps que soumis aux règles universelles des relations humaines.

 

Des solutions tangibles

 

Face à ce problème, qui peut générer de la souffrance et semble pour certaines personnes être un facteur d’éloignement de la pratique religieuse, différentes pistes sont proposées. Le travail synodal entre en réflexion sur la mission de l’Église et des ministères, ce qui devrait accentuer la variété des engagements et donc leur reconnaissance, favorisant ainsi le dialogue entre plusieurs manières de vivre la foi. Des équipes de médiation ont été mises en place dans certaines régions de l’EPUdF (Église protestante unie de France) ; une formation des cadres est également proposée.

 

Accepter un apport extérieur

 

Toutes ces voies de pacification sont internes à l’institution ecclésiale. Un récent film sur la justice restaurative, Je verrai toujours vos visages, pourrait valoriser une autre approche, venant du « monde extérieur ». Y sont mises en scène des situations extrêmes de face à face entre des victimes et des agresseurs, chacun étant bloqué dans sa vie personnelle et ses relations sociales à la suite de l’événement. Il ne s’agit pas de confrontation directe comme dans une médiation, mais de permettre à chacun de s’exprimer et recevoir l’expression de l’autre dans une situation qui ressemble à l’agression qu’ils ont reçue ou commise. Cela peut se faire dans le cadre d’un groupe après une préparation individuelle accompagnée, le processus étant placé sous la houlette d’une tierce personne formée et neutre. Les effets sont saisissants ; ils ont été vantés au point que des associations proposant la démarche sont aujourd’hui en déficit d’intervenants.

 

Les bonnes idées des autres

 

Prendre en compte une méthode d’accompagnement provenant de l’extérieur de l’Église n’est pas facile pour tenter de résoudre des soucis internes, a fortiori lorsque ces pratiques concernent l’univers carcéral et la justice pénale. Pourtant, les évolutions des bourreaux comme des victimes portent sur des sujets universellement connus dans d’autres milieux : la domination imposée d’une vérité sur une autre, le chantage affectif, la morale sociale sans réflexion éthique, la capacité à penser à la place d’autrui, les effets et la responsabilité des paroles et des actes, etc. Lorsqu’elles sont ignorées ou enfouies, ces questions se traduisent parfois par des blocages, tant pour les bourreaux que pour les victimes et peuvent mener à des actes relevant de la justice.

Bien sûr, les Églises ne relèvent pas de ce processus, ni de ce degré de conflictualité ou de blocage. Mais ces méthodes de dialogue sont-elles si éloignées de l’Évangile qu’il faille les laisser à « l’autre monde » ?

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