De Bach à Glorious, deux musiques pour un Dieu

Depuis Bach, la musique des Églises de la Réforme n’a cessé d’évoluer et le groupe Glorious rythme aujourd’hui certains cultes. Chaque style musical porte des enjeux et des théologies, rendant parfois complexe une alternance entre tradition et modernité. Comment favoriser la coexistence au sein d’une même communauté?

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Entrer dans un temple pour la célébration, c’est entrer dans une atmosphère chargée de rendre la plus accessible possible la proximité avec Dieu. La sonorité musicale y a toujours pris une place importante comme en témoignent les orgues, parfois de véritables œuvres d’art.

Méditer ou exprimer

Avec Bach, la musique d’Église devient celle de l’assemblée, les chorals permettent une reprise des moments liturgiques et une participation des fidèles, guidés dans leur méditation. Les mélodies sont aisées à déchiffrer mais complexes dans la composition des harmoniques, l’une des notes de chaque accord appelant déjà l’accord suivant. Le compositeur de la Réforme a ainsi mis en place une progression qui emmène le paroissien vers un accord final parfait, favorisant sa prière jusqu’à une dimension spirituelle de méditation sur la beauté divine.
Les chants actuels ont une autre dimension, cherchant à exprimer l’expérience spirituelle. Le but est ici davantage la louange de l’assemblée, vécue comme émotion corporelle et témoignage vers Dieu. À travers les siècles, ces deux attitudes musicales se répondent.

La saturation ou le silence

La musique actuelle est essentiellement enregistrée ou portée en direct par une sonorisation. Cela favorise l’audition par une saturation du son, mixé pour faire entendre chaque instrument et chaque voix sans que l’un prenne le dessus sur l’autre. Cette technique pratiquée depuis longtemps est incontournable pour toute émission radio, disque ou podcast. Mais elle n’est pas neutre, chaque fréquence ayant dès lors sa particularité. Aux basses sera confiée la possibilité de porter les rythmes et exprimer l’énergie, alors que les aigus désignent souvent la mélodie. La musique se vit alors comme une suite de sons de même intensité se succédant les uns autres, comme un chemin sur lequel les fidèles peuvent marcher et s’associer au chanteur.
À l’opposé, les compositions traditionnelles sont bâties sur les phrases mélodiques entrecoupées de silences, chaque son étant relatif puisque porté par une voix ou un instrument dont la puissance sera particulière. Cet entrelacs de puissances variées et de silences favorise l’attention, véhicule la méditation, crée une émotion intériorisée. Ici, ce ne sont plus les chanteurs qui mènent la danse mais l’assemblée qui constitue la mélodie. La louange et la prière n’existent que par elle.

Harmonie ou décalages

Plutôt que de laisser s’insinuer une opposition de style dans les communautés protestantes, ce qui pourrait mener à une confrontation, l’observation des complémentarités musicale devrait permettre une ouverture de l’univers théologique pratiqué dans les liturgies. On s’aperçoit ainsi que des groupes comme Glorious ont une vision très harmonique de la musique, l’instrumentation soutenant les lignes mélodiques. De ce fait, l’énergie du chant est pleinement soutenue. Bach et ses successeurs utilisent en revanche de légères dysharmonies pour les instruments, ces décalages appelant l’harmonie du chant lui-même.
Deux styles théologiques sont ainsi convoqués, le premier manifestant que Dieu vient toucher l’Homme dans l’intimité de son ressenti, le second marquant l’expression de la divinité à travers le chant humain. Il s’agit là de deux mouvements d’une même respiration, où Dieu est tour à tour celui qui vient inspirer l’Humain et celui vers qui vont ses louanges. Peut-être ce double mouvement pourrait-il nourrir la force des célébrations des Églises de la Réforme.

Anaïs Bolterre

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