Au nom de la laïcité !

Par Élisabeth Renaud, rédactrice en chef du Protestant de l’Ouest

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Chargée de la communication, j’ai déposé sur le site de la municipalité de Bourges l’annonce avec le titre suivant : « Lire la Bible au pied de la lettre ? Une Parole qui demeure dans un monde qui change ». Une petite phrase m’a avertie « sous réserve de validation par nos services ». Cela ne m’a pas inquiétée, j’avais tort !

Car trois jours plus tard, le président de l’association a reçu ce message : « Nous sommes au regret de nous annoncer que votre demande de manifestation Lire la Bible au pied de la lettre ? Une Parole qui demeure dans un monde qui change a été refusée pour le motif suivant : en raison du caractère religieux de l’évènement. »

Mon sang et celui du président n’ont fait qu’un tour ! Je ne rentrerai pas dans des considérations sur la laïcité, je vous confie en partie la réponse du président :

« […] Il s’agit plus exactement d’une conférence. Elle sera donnée par Élian Cuvillier, professeur de théologie pratique à l’Institut protestant de Montpellier qui est une des trois grandes facultés protestantes françaises affiliée à la Fédération protestante de France, et de statut universitaire.

Il ne s’agit pas d’une opération de prosélytisme, ni d’un acte d’évangélisation, ce pour quoi nous n’aurions évidemment pas sollicité vos services. Il s’agit d’une manifestation culturelle, ce qui entre dans les attributions de l’association que je préside.

Est-ce le mot « Bible » qui a fait sursauter ? Il faudra pourtant bien que la Capitale européenne de la culture 2028 comprenne que la Bible est un fleuron de la littérature mondiale ; qu’elle soit religieuse n’empêche pas qu’elle est un bien culturel, et de portée universelle.

D’autre part, il y a dans diverses sphères de notre pays une conception conflictuelle de la laïcité alimentée par une inculture religieuse et sociologique abyssale. J’ai eu l’occasion d’interviewer René Rémond, Régis Debray, Jean Baubérot et l’ancien Ministre Bernard Stasi, éminents spécialistes de la laïcité, qui ont fort bien expliqué que la laïcité n’est pas l’éviction de la religion de la sphère publique mais le fait que les religions n’ont pas à dicter à la République ce qu’elle doit faire, ce qui est tout différent.
Qui plus est, les protestants sont d’actifs militants et cofondateurs de la laïcité dans notre pays. Dans Laïcité et République, paru à la Documentation Française en 2004, je lis à la p.25: “ La laïcité est constitutive de notre histoire collective. Elle se réfère à la Grèce antique, à la Renaissance et à la Réforme, à l’édit de Nantes, aux Lumières…“
Dois-je vous préciser que la Réforme est synonyme de “ protestantisme “ ?…
Nous nous retrouvons donc pionniers d’une laïcité qui devient notre adversaire et notre censeur ! […] Philippe Malidor ».

Oui, au nom de la laïcité, certaines personnes voudraient rayer du paysage public la moindre allusion à la religion (en l’occurrence la Bible ici). Et ce n’est pas nouveau à Bourges, l’association dont je parle a d’ailleurs été créée après le refus systématique de l’affichage des manifestations organisées par l’Église en 2007 dans l’espace public. Il semblerait que 17 ans plus tard, les mentalités n’aient guère changé…