Seize résistants protestants de Saint-Brieuc arrêtés en 1943

Le pasteur Crespin nommé en 1937 dans la paroisse de Saint-Brieuc est le symbole de cette résistance dans laquelle de nombreux protestants se sont engagés pendant l’Occupation. Arrêté une première fois en 1941 pour avoir fait passer des courriers en zone libre, Yves Crespin continue en 1942 et 1943 de travailler comme agent de liaison pour la Résistance. Il finit par être repéré et dénoncé.

 

Par Richard Fortat, historien

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Le 2 novembre 1943, sept membres inscrits de la paroisse protestante de Saint-Brieuc sont arrêtés : Yves Crespin, pasteur de la paroisse, membre d’un réseau de résistance ;

Erling Hansen, docteur, membre d’un réseau de résistance ; son frère Einar Hansen ; sa mère Anna Hansen ; son père Oscar Hansen ; son beau-frère Jean Huck ; Ernest Prigent, employeur de Jean Huck.

 

Les arrestations

 

Deux membres de la communauté protestante sont arrêtés et interrogés mais ne sont pas emprisonnés. Il s’agit de Jeannine Crespin, épouse du pasteur, et de Maïe Hansen, épouse d’Erling Hansen.

Pierre Guiton, professeur au lycée Le Braz, est arrêté car il se trouve le 2 novembre chez le pasteur Crespin. Deux jeunes garçons, Roland Girard et Louis Dudoret, sont arrêtés car ils se trouvent dans le cabinet du docteur Erling Hansen. Louis Dudoret vient chercher un certificat médical pour éviter de partir au Service du travail obligatoire.

Sont aussi arrêtés : M. François, dans la salle d’attente du docteur Erling Hansen, Lucienne Mercier, employée de maison de la famille Hansen, et Roland Dessailloud, ingénieur, domicilié à Plérin. On ne connait pas ses liens avec les autres personnes arrêtées.

Un autre protestant résistant est arrêté dans le cadre de cette opération le 2 novembre mais il ne fait pas partie de la paroisse de Saint-Brieuc, il s’agit de Georges Bessis, directeur d’un centre de jeunes délinquants au Hinglé à côté de Dinan.

 

Certaines personnes sont interrogées quelques heures puis relâchées (M. François, Jeannine Crespin, Maïe Hansen), ceux qui sont emprisonnés à Saint-Brieuc y restent jusqu’au 4 novembre avant d’être libérés ou d’être transférés à la prison de Rennes. Ces derniers y restent quelques mois et enfin, d’autres partent de là vers les camps de concentration comme Yves Crespin, Erling Hansen, Georges Bessis, Louis Dudoret… et seul Hansen en reviendra.

 

Le soutien

 

Le préfet des Côtes-du-Nord Michel Henri de Villeneuve prend ses fonctions le 20 septembre 1943 et exercera jusqu’en juin 1944. Il va essayer d’intervenir en faveur du pasteur Crespin et de ses amis. Engagé lui-même dans un réseau de résistance avec d’autres membres de l’administration qui ne veulent pas de Pétain, il sera arrêté en juin 1944.

Un autre soutien va venir de l’évêque, Mgr Serrand, comme l’atteste une lettre de l’abbé Chéruel rédigée en décembre 1944 et mise à jour par l’historien Alain Lozac’h en 2023. L’évêque avait écrit à René Bousquet, alors directeur de la police d’État, pour qu’il libère le pasteur.

 

L’avocat M. Gamblin intervient lui aussi en écrivant de multiples courriers. Il deviendra préfet au moment de la Libération de la ville de Saint-Brieuc le 5 août 1944.

D’autres soutiens très précieux viendront des familles, des amis et, au niveau national, des dirigeants de l’Église réformée avec Marc Boegner et Maurice Rohr.

 

Ce tragique épisode du 2 novembre 1943 n’est qu’un événement marquant d’un plus vaste mouvement de résistance qui a vu de très nombreux protestants s’engager dans la Résistance. La Bretagne n’est pas le territoire qui vient immédiatement à l’esprit pour en parler. Et pourtant l’histoire en est un peu mieux connue grâce à de nouveaux témoignages et aux archives qui continuent de livrer leurs secrets…

 

 

NDLR : Richard Fortat est auteur du livre Le pasteur Yves Crespin, un chrétien dans la Résistance, La Cause.

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