Le Règne animal

Un film de Thomas Cailley, avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos, 2023, 2h08, drame, aventure, fantastique.

Le film qui m’a plu

……………..Par……

Par Roseline Cayla, EPU d’Angers-Cholet

…….

Une étrange épidémie, apparue on ne sait comment, venue d’on ne sait où, se répand dans le monde. Elle frappe de façon aléatoire. François (Romain Duris) rend visite à l’hôpital, à sa femme, Lana, atteinte par ce mal. On ne la voit pas.

 

L’ouverture d’un centre spécialisé

 

Leur fils Émile (Paul Kircher) ne souhaite pas voir sa mère. À quoi bon ? Il a une énorme griffure sur le bras, comme faite par une patte de fauve… Le médecin de Lana, impuissant, tient le genre de discours que la faculté sert aux familles dans ces cas-là : « Il y a un léger mieux. Elle est calme… ».

 

Un centre s’est ouvert dans le midi pour prendre en charge les personnes atteintes de cette pathologie, et que bientôt d’aucuns ne considèreront plus comme des personnes : des « créatures », des « bestioles », c’est ainsi qu’ils les appellent. En effet, des griffes poussent sous les ongles, des crocs apparaissent, des écailles, des plumes ou de la fourrure recouvrent bientôt la peau. Peu à peu les malheureux touchés ne peuvent plus s’exprimer par la parole, ils grognent, poussent des cris, râlent… et bientôt n’ont plus figure humaine.

 

François et Émile déménagent pour s’installer près de ce centre où Lana doit être internée. François a trouvé un emploi de cuisinier dans un camping. Émile intègre le lycée du coin où il éveille la curiosité de ses camarades. Ces « créatures » font peur, semblent dangereuses, perturbent le quotidien.

 

Mais le car qui amenait les « créatures » dans ce centre a un accident. Celles des créatures qui ne sont pas mortes s’enfuient dans la forêt toute proche. Lana est sûrement parmi elles, François et Émile vont se mettre à sa recherche.

 

Rapidement on s’aperçoit que toutes les familles sont touchées par la mutation. Alors tous se méfient de tous. Le voisin que l’on connaît bien, n’est-il pas en train de se transformer lui aussi en animal ? Mieux vaut se tenir loin de lui. Bientôt Émile est atteint. Il le cache d’abord autant qu’il le peut, s’arrache les griffes, les crocs. Son père le découvrant veut l’aider. Mais au lycée il a des attitudes de plus en plus bizarres, on le harcèle et bientôt l’un de ses camarades de classe le pousse dans ses retranchements. Alors la bête s’éveille en Émile qui bondit en rugissant sur l’agresseur...

 

La chasse aux « bestioles »

 

Film prenant. C’est François en voiture avec son fils partageant le souvenir de Lana, à l’écoute de la chanson de Pierre Bachelet, plus que jamais appropriée à la situation : « Elle est d’ailleurs ». C’est Émile, dans la forêt, s’approchant de l’homme-oiseau qui crie de faim (il a un pansement sur la figure, car on l’a opéré pour lui ôter le bec comprend-on) en lui offrant deux poissons qu’il a attrapés dans le ruisseau, comme un ours avec ses griffes. C’est Émile, éperdu de solitude, se jetant à son cou et plus tard essayant de lui venir en aide pour qu’il échappe aux chasseurs.

 

Oui, car des milices se sont formées pour faire la chasse aux « bestioles ». En écrivant je suis encore au bord des larmes. Jusqu’où un être humain reste-t-il un être humain ? Qu’est-ce qu’une personne ? On peut penser à la vieillesse, à la maladie invalidante, au handicap psychique. Jusqu’où restons-nous identiques à nous-mêmes ? De quel accueil sommes-nous capables à l’égard de ce qui nous est inconnu ? Bien sûr on peut penser aussi à la peur qu’ont certains d’être « envahis » par des personnes d’une autre culture… Et puis il y a l’amour indestructible d’un père pour son fils. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte, quand vient le moment de partir vers un avenir incertain, imprévisible, le moment d’affronter seul la vie.

 

Je vous laisse voir toutes les interprétations possibles de cette fable. « Raconter laisse entendre » comme le dit Marion Muller-Colard. Qu’entendrez-vous à travers ce film ?

Contact