Les feuilles mortes

Un film d’Aki Kaurismäki, sortie le 20 septembre 2023, 1h21.

CINÉMA

 

 

 

Ce 21e long métrage d’un réalisateur culte a remporté le prix du Jury à Cannes. Comédie romantique qui tend vers l’épure, c’est un condensé pudique et bouleversant de l’œuvre de Kaurismäki dont les fans reconnaîtront la petite musique familière de son écriture dès les premières images.

 

Apprécié pour des films qui donnent à percevoir le quotidien cabossé du prolétariat de son pays, fait de petits boulots précaires, de nuits glacées et dune solitude que l’on noie dans l’alcool puisque l’on est en Finlande, mais que l’on soigne aussi par la musique et par l’amour, le réalisateur plonge le spectateur dans une atmosphère burlesque et mélancolique qui évoque irrésistiblement le climat des films de Chaplin. Il raconte avec beaucoup d’empathie et un humour tendre et désespéré une cahoteuse histoire d’amour dans le contexte actuel d’inflation et de guerre en Ukraine.

 

Deux taiseux attachants – une femme, Ansa, employée dans un supermarché dont elle se fait renvoyer, et un homme, Holappa, ouvrier précaire et alcoolique – sont perdus à Helsinki dans un univers hostile et désespérant de ruelles ternes et de bars tristes jurant curieusement avec une décoration intérieure où font contraste des couleurs franches où dominent le bleu et le rouge, comme dans les affiches de films des années 1960.

 

Ces deux solitaires vont se rencontrer par hasard dans un karaoké, sans jamais échanger leurs noms, se plaire maladroitement autour d’un verre, puis s’égarer, pour finir par se retrouver près d’un cinéma où leur amour prendra forme, rythmé par des dialogues absurdes et des péripéties improbables et cocasses.

 

Loin de tout misérabilisme comme de tout militantisme social à la Ken Loach, ce conte, délibérément irréaliste et décalé, évoque avec délicatesse la nécessité de lutter pour garder espoir en l’avenir.

Le jeu tout en retenue des acteurs, aux postures et aux mimiques figées et délibérément inexpressives, se déploie dans une composition de plans très poétiques. La mise en scène minimaliste est émaillée de nombreux clins d’œil cinéphiles à Bresson, Ozu, Jarmusch ou d’autres, que l’on sent chers au cinéaste.

 

Jean-Michel Zucker

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