Les protestants et Nantes – Une minorité au cœur d’une ville portuaire

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Recension du livre par Jean Loignon

Par l’Édit éponyme, Nantes est indissolublement liée aux protestants français, alors que ces derniers n’y ont représenté qu’une infime minorité – moins de 1% -, à l’opposé d’autres villes atlantiques comme la Rochelle. Pourtant, cette communauté aura joué un rôle éminent dans le développement industriel et portuaire de Nantes et de son estuaire, avec la création de l’avant-port de Saint-Nazaire et ses chantiers navals.

Pour éclairer ce paradoxe, l’historien Charles Nicol, fin connaisseur du protestantisme ligéro-atlantique, nous livre une étude minutieuse, montrant comment une minorité chassée en 1685, se réintègre progressivement dès le XVIII^e siècle, au temps où Nantes domine le commerce négrier entre Europe, Afrique et Antilles. Mais tout en y participant surtout par la fabrication des indiennes troquées contre les esclaves, les armateurs et commerçants protestants comprennent la nécessité d’une autre économie, placée sous le signe de la révolution industrielle. Fortes de réseaux tissés dans l’Europe du Refuge, des dynasties familiales vont investir dans l’industrie métallurgique ou alimentaire, avec des noms emblématiques comme Voruz, Cassegrain, Lefèvre-Utile (les « petits LU ») les Dobrée, dont le troisième du nom fut un collectionneur et un mécène illustre¹. Tout au long du XIX^e siècle, la surreprésentation protestante est marquante dans les lieux de pouvoir : à la chambre de commerce, à la mairie de Nantes (quatre maires protestants entre 1830-1930) et dans la franc-maçonnerie, ce qui achève de consolider la force tranquille d’un protestantisme discret mais incontournable.

Jean Loignon

¹ On notera la réouverture récente du remarquable et très éclectique musée Dobrée à Nantes.

Les protestants et Nantes – Une minorité au cœur d’une ville portuaire, Charles Nicol, Presses Universitaires de Rennes, 2024, 302 p., 23 €.