Perfect days

Un film de Wim Wenders, avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano, 2023, 2h05, drame, comédie.

Le film qui m’a plu

……………..Par……

Par Roseline Cayla, Église protestante unie d’Angers-Cholet

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Ce film japonais de Wim Wenders est bien ancré dans le réel, près de la terre si je puis dire, puisqu’il montre jour après jour un vieil employé chargé de nettoyer les toilettes publiques à Tokyo (des toilettes high-tech incroyables !).

 

Cet homme, Hirayama, vit seul. Si vous n’appréciez que les films d’action, avec de nombreuses péripéties, vous n’irez pas voir celui-ci qui prend son temps, en opposition avec la vie trépidante, affairée, que l’on devine en voyant les gratte-ciels de Tokyo et les voies aériennes qui se superposent et se croisent… ! Tout en bas, en contraste, on découvre des quartiers à taille humaine qui ont gardé leur aspect de village, avec des gens ordinaires qui ont des métiers ordinaires, d’un autre âge et de toujours… « Il y a plusieurs mondes dans le monde » dit le vieil homme, « des mondes connectés et d’autres mondes ». Dans la petite maison en bois, à la simplicité monacale, où il habite, il n’y a pas de commodités semble-t-il. Il va se laver dans un établissement de bains, il apporte son linge à la laverie…

 

Une vie simple…

 

Je suis allée voir Perfect days en compagnie de personnes plus jeunes. « Comment peut-on faire un film de plus de deux heures avec rien ! » a dit l’une. « J’aimerais bien avoir une femme de ménage qui nettoie aussi bien ! » a dit l’autre… À ma gauche, trois spectateurs sont partis au bout d’un quart d’heure. Ceux qui sont restés jusqu’à la fin (poignante) ont applaudi. Comment en effet ne pas s’attacher à Hirayama ! Il ne dit pas grand-chose, mais les changements de son visage sont expressifs, (l’acteur Koji Yakusho est le personnage !).

 

Sa vie est simple, bien structurée par une routine, véritable liturgie du quotidien. Le rituel libère l’esprit de la fatigue d’être soi, de la fatigue de se poser des questions insolubles. L’être peut alors simplement contempler le monde. On pourrait dire que Hirayama est une sorte d’ermite dans la ville, il est en empathie avec le monde. Il s’éveille chaque matin au bruit du balai de genêt avec lequel une autre vieille personne nettoie la rue. Puis il se lève, ouvre sa fenêtre et regarde le ciel d’un air content. Il replie son futon et le pousse dans un coin. Il se brosse les dents, enfile sa tenue de travail, arrose, sur une étagère, ses petites plantes qu’il regarde quelques instants avec affection, descend, prend un café au distributeur en bas de chez lui et charge ses instruments de nettoyage dans sa voiture. Il choisit une cassette audio, la met dans le lecteur et se rend à son travail en écoutant des chansons des années 60-70… Ottis Redding, Patty Smith, Lou Reed (le titre du film est tiré de l’une de ses chansons).

 

Ponctuée de petits incidents

 

Arrivé devant le premier édifice à nettoyer, il installe son panneau indiquant que le lieu est momentanément inutilisable et se met au travail… À midi, il déjeune sur un banc dans un parc, tout en regardant les arbres. Chaque jour, il prend en photo le feuillage à travers lequel jouent les rayons du soleil. Il est attentif aux choses et aux personnes autour de lui… Il échange un salut avec un autre vieil homme, qui vit sous une tente dans le parc et part travailler lui aussi… (Une pensée me vient : j’ai lu quelque part que les retraités japonais étaient parfois employés à ces activités nécessaires et délaissées, leurs revenus ne leur permettant pas de vivre décemment). Sa journée de travail reprend. De petits incidents la ponctuent, si bien que rien n’est tout à fait pareil tous les jours. Beaucoup de personnes traversent les journées de Harayama. Il y a des scènes touchantes. Mais le spectateur se pose sur ce personnage bien des questions auxquelles il n’aura pas de réponses. Il ne peut qu’essayer de deviner en prêtant attention au cadre de vie de celui-ci, (au début le logement semble vide, puis la vision s’élargit et l’on voit qu’il y a des rayonnages remplis de livres, des boîtes étiquetées par années, dans lesquelles il range soigneusement ses photos). On peut aussi prêter attention aux chansons qu’il écoute, à la chanson qu’il aime particulièrement : The house of rising sun qu’une serveuse de restaurant lui chante en japonais et qu’il écoute, ému. Je suis surprise en voyant la traduction qui s’affiche en français, différente de celle qu’on connaît : il s’agit d’une femme qui a pris le mauvais chemin et s’est retrouvée dans une maison close, La Maison du soleil levant

 

Mais à chacun de faire ses découvertes !

Il y a des choses que l’on fait par devoir, d’autres par plaisir ; mais tout peut être fait avec le même état d’esprit de contentement. Ainsi certains font avec joie ce que la vie les a contraints de faire. Hirayama semble avoir choisi cette vie que d’autres trouvent insignifiante. Pourquoi ? Cela reste son secret. C’est un film lumineux, au propre et au figuré, et il fait du bien.

 

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