Un couple

Un film de Frederick Wiseman, par Nathalie Boutefeu, Frederick Wiseman, avec Nathalie Boutefeu. 1h03, romance.

Le film qui m’a plu

Par Roseline Cayla

 

Lorsqu’enfant je découvris le cinéma, ce fut par un documentaire sur la faune marine. Il m’avait émerveillée. Plus tard, je sus que le réalisateur au bonnet rouge ne s’était hélas guère soucié de la préservation du milieu… Ces dernières années, j’ai apprécié divers genres de films documentaires, tous plus intéressants les uns que les autres.

 

Le film dont je vous parle aujourd’hui, Un couple, de Frédérick Wiseman, est un documentaire, sans en être vraiment un ! Plutôt un poème méditatif ! C’est un film d’à peine un peu plus d’une heure (c’est inhabituel chez ce réalisateur). Il est basé sur les lettres de Sofia Tolstoï, son journal et parfois celui de son époux, Léon Tolstoï. Une femme aux cheveux tressés en couronne serre son châle autour d’elle, appuyée contre un rocher sur une plage. C’est Sofia, jouée par Nathalie Boutefeu, qui est aussi co-scénariste. Les textes sont dits par elle, soit en voix off, soit face au spectateur comme si elle lui parlait. Sofia est la fille du Docteur Andrei Behrs, médecin attaché au palais impérial de Moscou. Elle s’est retirée sur cette île sauvage pour se reposer. Elle évoque la vie avec son mari écrivain, les explosions de violence de cet être tourmenté. Il vampirise l’énergie de son épouse qui doit assumer seule la marche du domaine, les domestiques, les enfants. Le couple en eut treize en 36 ans de mariage, dont le père se soucie peu de ceux-ci. Mais était-ce si rare à cette époque ? Sofia fait de son mieux mais s’attire des reproches, lesquels alternent avec des déclarations passionnées. Elle a reçu une bonne éducation et une solide instruction. Pensait-elle partager avec lui sa passion de l’écriture ? En tout cas, elle n’a plus le temps d’y songer ! Elle finit même par douter d’elle tant il la considère peu. « Suis-je encore une personne ? », écrit-elle. Elle se demande s’il est normal de se sacrifier comme elle le fait. Elle recopie pourtant les écrits de l’écrivain et les corrige ! Elle avait 18 ans lorsqu’elle a épousé cet homme de 16 ans son aîné. « Notre amour existe-t-il encore ? », se demande-t-elle. Les disputes sont fréquentes, entre autres, du fait du caractère irascible de son mari, plus soucieux de lui-même que du mal qu’il peut lui faire. À la veille de leurs noces, il lui a remis son journal pour qu’elle connaisse tous ses défauts : le jeu, l’alcool, les coucheries avec ses serves. Cela lui a fait peur mais ne l’a pas découragée !

 

J’ai aimé ce film pour la joie exubérante de la nature au milieu de laquelle Sofia se promène, s’arrête, écrit, rêve. J’y vois comme l’écho d’une âme qu’elle n’a pu manifester ! Vagues se fracassant sur les rochers, cris des oiseaux de mer, chant du coucou, concert des grenouilles sur l’étang, fleurs, insecte se posant sur une corolle, toile d’araignée scintillante. Et aussi Sofia dans le silence de sa maison, éclairée par une bougie. Réfléchir, s’apaiser. Écrire, c’est déjà être libre.

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