Des musiques à écouter en novembre

Vaste cénotaphe poétique des marins disparus en mer, le poème Oceano Nox de Victor Hugo ne donne pas par hasard son titre au premier album de Clara Ysé, sans qu’elle le cite directement : elle a commencé à écrire des chansons en français après que sa mère, la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle, est morte en sauvant un enfant de la noyade pendant l’été 2017.

Certaines chansons de cet album sont écrites dans le conditionnel des survivants ou dans l’imparfait des orphelins. Mais une pulsion radieuse domine volontiers : l’ivresse d’aimer, la rage de surmonter, le besoin de danser… Qu’elle ondule sur des motifs vaguement orientaux ou tournoie sur une rythmique têtue et binaire, Clara Ysé ne parle que de vivre, même si l’on voit çà et là passer des ombres tourmentées, des frissons de mauvais souvenirs, de méchantes phrases d’enfant sombre. Et c’est ce qui fait la saveur d’un album qui laisse voir les ronces sous la soie.

Sa voix, qui évoque tour à tour Barbara Carlotti, Angélique Ionatos ou Kate Bush, est aussi celle d’une romancière, toujours soucieuse de la précision du propos, même s’il n’est pas forcément limpide dès la première écoute. Un univers singulier, exigeant et paradoxalement radieux, que Clara Ysé arpente avec une sincérité élégante.