Sachs (1494-1576). Ngerman Poet And Meistersinger. Woodcut, 1545, By Hans Brosamer
D’après la conférence de Pierre-Yves Bourcy qui s’est tenu le 11 janvier 2025 à Tours, dans le cadre de l’Association Culturelle protestante de Touraine.
par Marie-Anne Chenerie
Quel est le lien entre Jean-Paul Sartre, Richard Wagner et Nuremberg ? Ce lien, c’est Hans Sachs, célèbre Maître-Chanteur de Nuremberg, personnage central du drame lyrique “Die Meistersinger von Nürnberg” de Richard Wagner.
Pierre-Yves Bourcy est parti de la thèse de Charles Schweitzer, alsacien, grand-père et précepteur de Jean-Paul Sartre jusqu’à ses dix ans. Charles Schweitzer a soutenu sa thèse à la Faculté des Lettres de Paris en 1887. Il nous parle de ce « Maître-Chanteur », personnage haut en couleur, complexe et attachant.
Hans Sachs (1494 – 1576), « Le vieux poète allemand », tel que le mentionnait l’avis municipal annonçant son décès, était cordonnier, donc membre de la confrérie de son métier. Mais il fut aussi le plus célèbre des « Meistersinger ». Dans plusieurs villes d’Allemagne, cette corporation réunissait les membres des autres confréries pour pratiquer le chant et la poésie, et connut un apogée au XVIe siècle ; Hans Sachs est le plus connu d’entre eux.
Cordonnier, fils de tailleur, érudit, mais sans maîtriser les langues anciennes, Hans Sachs est un poète prolixe, qui a écrit environ 6 000 œuvres : pièces de théâtre, tragédies, comédies, dialogues en prose, fables, tant à caractère profane que sacré. Et, bien sûr, des « Meisterlieder », ces Chants de Maître, partie importante de la tradition musicale et littéraire germanique de cette époque. Les règles de cette discipline étaient extrêmement formalisées, les grades très précis : Chanteur, Poète, et enfin Meister, c’est-à-dire Maître, capable d’inventer texte et mélodie nouveaux. La corporation organisait des concours très rigoureux, contrôlés par des marqueurs, juges chargés de vérifier tous les éléments du nouveau chant, depuis le respect du texte de la Bible de Luther jusqu’à l’art du chanteur, en passant par la discipline de la versification, suivant des règles incroyablement sophistiquées.
Le Meisterlied que Hans Sachs a mené au plus haut a commencé à péricliter après sa mort, en partie à cause de la rigidité et de la complexité des règles de composition.
Un grand partisan de la Réforme
Hans Sachs fut également un protestant engagé, partisan de la Réforme, achetant et diffusant, à partir de 1522, les écrits de Luther. En revanche, au nom de son idéal évangélique, il a toujours refusé de faire passer les idées de la Réforme par la violence. Sa poésie devint militante, en témoigne cette pièce maîtresse, le Rossignol de Wittemberg, en hommage à Martin Luther. Cette pièce connut une diffusion importante, grâce à l’imprimerie, arrivée à un haut niveau d’efficacité. Une gravure, très diffusée elle aussi, représente Luther en rossignol en haut d’un arbre central. Au sol, diverses ouailles, moutons et brebis, entendent sa voix. La Réforme est symbolisée par le soleil, et la papauté par la lune. Le pape Léon X, celui qui excommunia Luther, est représenté par un lion, Leo en latin ; il rugit, impuissant, au pied de l’arbre. Sachs écrivit également des prophéties sur la fin de la papauté, décidément son adversaire. C’était un protestant rigoureux, mais aussi narquois, un réel enfant du peuple : ses écrits savaient parler au peuple allemand, au-delà de l’érudition que montrent ses œuvres.
En fin de conférence, l’orateur nous confie : « Plus je le connais, plus je l’apprécie » ; oui, c’est un personnage contrasté, attachant, artisan et poète, qui témoigne vigoureusement de la présence de la Réforme.
Le lien ci-dessous donne un extrait du troisième acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg. Le peuple de Nuremberg, rassemblé pour le concours, reconnaît Hans Sachs, et lui rend hommage en chantant le début du Rossignol de Wittemberg.
Captation effectuée en 2011 au Festival de Glyndebourne :
https://www.youtube.com/watch?v=ELgmZMvHhLs
Hans Sach – Wittembergisch Nachtigall 1525