Aimer sans rien devoir ?

« Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime les autres a accompli la loi », dit Romains 13.8. La vie paraît heureusement bien différente de cette recherche de perfection, quand la dette met en mouvement.

Quand Paul parle d’amour

 

Grain de sable

 

Aimer, une œuvre collective © Tim Marshall/Unsplash

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Par le pasteur Marc de Bonnechose, Paroles protestante Paris

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Les mots de l’apôtre Paul résonnent souvent comme une invitation à mener son existence de telle manière qu’aucune dette ne vienne biaiser nos relations avec les autres. Ainsi l’amour pourrait-il être exempt de toute impureté ou arrière-goût.

 

Rechercher un amour parfait

 

D’où vient donc cette nécessité de rechercher un amour parfait, une loi parfaite, des intentions parfaites ou des échanges humains strictement équilibrés ? La perfection n’est pas de ce monde, dans l’Église comme ailleurs. Bien plus, les personnes recherchant la perfection ou ne voulant rien devoir à personne peuvent paraître d’un ennui mortel. Une société qui refuserait l’aide à autrui sous prétexte de ne pas le mettre en dette serait morte à toute valeur humaine.

Comment pourrait-on même concevoir une existence sans dette, alors que toute vie est due à deux parents, toute relation ne peut être strictement équitable, toute demande crée une dépendance ? La dette n’est autre qu’un moteur indispensable des relations entre les personnes.

 

Recevoir et redonner

 

Lorsqu’un responsable scout est interrogé sur ses motivations à s’occuper de jeunes en donnant de son temps, il répond en général qu’il a beaucoup reçu étant lui-même enfant et qu’il lui importe de redonner. Il a ainsi contracté enfant une dette qui le pousse aujourd’hui à s’engager et aimer ces têtes blondes placées sur son chemin. La dette est son moteur, au même titre que l’amour qu’il a ressenti des responsables de sa jeunesse. S’il s’engage à son tour, ce n’est pas une question de perfection ou d’équilibre, mais de pertinence. Les propos de ses responsables ont été suffisamment appropriés dans les réponses apportées à ses peurs ou ses questions, pour l’amener à refaire la même chose pour d’autres. La dette de l’enfant trouve ainsi son lieu d’accomplissement dans le service envers d’autres personnes. Elle se transmet, comme se transmet la vie.

 

Remettre les dettes éternelles

 

Pourtant, la phrase de Paul a fait florès. Sans doute parce qu’elle décrit une autre forme de dette, incapacitante. Quiconque a vécu un deuil sans pouvoir s’être mis en paix avec le défunt sait combien la notion de dette peut être pesante et se prolonger dans chaque étape de la vie future. Chaque acte posé par la suite en sera porteur et entaché de souffrance. Il s’agit alors de la dette éternelle, celle qui paralyse les liens sociaux, les amitiés, les amours.

Pour Paul, cette dette-là doit être remise pour que soit libérée la capacité d’aimer véritablement. Dans sa théologie, c’est la figure du Christ qui, prenant sur lui la pesanteur humaine, permet de remettre toute dette éternelle. Cela fait penser aux mots de Jésus dans l’évangile de Matthieu : « Venez à moi vous qui êtes fatigués et chargés… et je vous soulagerai. » (Mt 11.28)

 

Retrouver une capacité d’aimer

 

Dans cette compréhension, il ne s’agit pas tant de régler les dettes contractées entre les personnes qui sont des traces d’une vie normale, que d’accepter d’être soulagé de celles qui empêchent de vivre et chargent l’existence. Il ne s’agit pas de rechercher l’amour pur et absolu, mais d’ôter le poids qui empêche tout amour de se dire et se vivre. Dans cette optique, l’amour devient un signe de libération, de résurrection, et l’être humain peut retrouver avec ses pairs la joie d’aimer et de se sentir aimé.

Et l’on pourrait ainsi penser que les liens retrouvés tendent à élever chacun dans son humanité, le rendant plus conforme à ce que son Dieu attend de lui. « L’amour ne fait point de mal au prochain : l’amour est donc l’accomplissement de la loi. » (Romains 13.10)

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