Célébrer les Rameaux

« Jésus entre dans Jérusalem » écrit l'évangile de Marc (11.1-10). La fête des Rameaux annonce la Résurrection du Christ, le premier temps fort de la Semaine sainte et du grand rendez-vous de Pâques.

 

Marc 11.1-10

 

Par la pasteure Marlies Voorwinden

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En cette période des Rameaux, nous connaissons bien l’ambiance de ce moment : le printemps est de retour et avec lui la joie des beaux jours. Dans les magasins, les œufs et les lapins en chocolat décorent les allées et les vitrines.

 

Vivre le récit

 

Dimanche prochain, un certain nombre de nos temples seront peut-être un peu plus décorés que les autres dimanches, avec des fleurs ou branchages, des vêtements ou tissus de toutes couleurs. Les plus courageux auront mis des branches tout autour des murs pour rappeler le geste de la foule autour de Jésus lors de son arrivée sur l’ânon.

Que ce soit par souci de décoration et de créativité, ou par souci de faciliter l’apprentissage du récit et de vivre autrement le culte, il est intéressant de voir que ce sont souvent ces deux ou trois éléments qui reviennent pour fêter les Rameaux. Même sur la plupart des images et coloriages de cet événement nous les voyons : l’âne ou l’ânon, les vêtements et les branches.

Ce sont en effet des éléments qui reviennent dans les récits que nous avons de ces événements dans nos évangiles. Marc parle d’un jeune animal, comme le font les trois autres évangélistes. Matthieu précise que l’ânon est avec une ânesse. Dans l’évangile de Matthieu on parle de branches d’arbres que la foule coupe, tandis que d’autres mettent des vêtements sur la route. Chez Marc, il y a aussi les vêtements mis par terre et les feuillages trouvés, cette fois-ci, dans la campagne. Luc parle uniquement des vêtements ; Jean uniquement des branches, en précisant qu’elles viennent de palmiers. En utilisant ces éléments du récit de manière concrète et visuelle dans nos temples aujourd’hui, nous faisons bien plus que simplement rappeler les événements. Nous sommes invités à travers eux à vivre ce récit.

 

Participer à l’extra-ordinaire

 

Il est généralement admis que la première communauté chrétienne à Jérusalem célébrait jour après jour les événements décrits, à partir de ce récit qui est au début du chapitre 11, jusqu’à la fin de l’Évangile : la mort et la résurrection de Jésus. Elle se préparait à la fête de Pâques en allant chaque jour de la semaine précédente sur un des lieux des événements décrits : le mont des Oliviers, le Temple, etc. Les premiers chrétiens de la communauté revivaient les événements décrits, sans doute en chantant les psaumes dont nous avons quelques traces dans les acclamations de la fin du passage : « Hosanna ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (9-10).

En remettant en scène les événements, que ce soit sur le lieu même de ce qui est décrit ou ailleurs, nous écoutons autrement le texte, nous vivons quelque chose de ce qui est décrit. Nous faisons comme cette première communauté qui chante sa foi en revivant les événements. En réalité elle fait bien plus que répéter ou mettre en scène les événements : elle participe à l’extra-ordinaire de ce moment que Jésus a initié.

 

En effet, au début du récit, il y a Jésus, ses disciples et le décor d’un ou deux villages près de Jérusalem. Puis il y a cette demande de Jésus d’aller trouver un ânon pas loin dans le village. Jésus a un projet, mais il ne possède pas ce qu’il lui faut pour l’exécuter. Alors, il emprunte. L’évangile de Marc a une phrase qui lui est propre et qui insiste sur cet emprunt. En effet, au moment où Jésus envoie ses disciples chercher l’ânon, il donne en même temps une réplique aux disciples pour répondre à d’éventuelles interrogations : « Le Seigneur en a besoin et il le renvoie ici tout de suite ». Il ne puise pas dans la bourse pour que les disciples puissent acheter un ânon au marché du coin. Il fait un emprunt : « Il le renvoie ici tout de suite ». Au début de l’événement Jésus n’a rien à lui, et à la fin il n’en aura pas plus. Il utilise pendant le temps de son entrée à Jérusalem l’ânon que les disciples ont trouvé attaché, pas loin de la porte, dans la rue.

 

Donner quelque chose

 

Cette façon d’agir est sans doute due à plus qu’une impossibilité de s’acheter ce qu’il lui faudrait. Celui que la foule bénit au nom du Seigneur, c’est celui qui vient sans posséder. Il vient de Dieu et est béni au nom de Dieu, mais il ne vient pas pour distribuer et donner de quoi posséder.

Au contraire, il emprunte, et cet emprunt met en mouvement une foule de gens. Non seulement extérieurement, parce qu’ils marchent avec lui, mais aussi intérieurement. Lui, il emprunte et ne demande rien d’autre aux disciples que d’amener l’ânon qu’il renverra aussitôt, tandis que les disciples et la foule donnent. Tout d’abord les disciples donnent leurs vêtements, qu’ils mettent sur la route. Ils donnent quelque chose de ce qui leur appartient, volontairement. Il en est de même pour les feuillages : la foule les cherche et coupe dans les campagnes. Ils utilisent ce qu’ils trouvent et donnent de ce qui est sur place.

D’un rien, d’un emprunt, nous arrivons au don de la foule qui est autour. Finalement c’est cela aussi qui se joue quand nous préparons des cultes avec des branches au temple et parfois même un âne, ou plus simplement avec une belle fleur et une jolie nappe sur la table. Dieu ne demande rien de cet ordre-là, mais nous donnons et par ce don d’autres se réjouissent. Même si nous ramenons la fleur et la nappe à la maison après – l’importance n’est pas le prix ou la durée – il restera toujours quelque chose de ce don.

Si nous donnons, encore aujourd’hui, c’est parce que Jésus, lui, n’a pas cessé d’emprunter. Il emprunte nos voix, nos mains, nos cœurs, nos maisons pour marcher parmi nous de manière parfois presque invisible. D’ailleurs, voir quelqu’un se déplacer assis sur un ânon, surtout à l’époque, n’est sans doute pas quelque chose d’exceptionnel en soi. C’est autre chose qui a fait de cette scène une histoire extra-ordinaire. Il emprunte quelque chose de banal pour faire avancer son règne. Et encore aujourd’hui, quand Jésus utilise quelque chose qui nous appartient – que ce soient nos paroles ou nos gestes – pour faire avancer son règne parmi nous, ce geste gratuit aura des conséquences. Peut-être pas pour nous-mêmes : chez Marc, les propriétaires de l’ânon n’interviennent absolument pas – ils ne sont peut-être mis au courant de l’événement qu’après coup – mais pour les autres.

 

Et vivre le texte biblique

 

Jésus installe une logique d’emprunt, ici avec l’ânon, plus tard il fera de même pour la salle où il célébrera la Pâque avec ses disciples, et le don s’ensuit logiquement. Le don lui-même s’accompagne de quelque chose d’encore plus grand, gratuit et sans prix : c’est la joie de la foule qui exulte. Qui peut rester sans voix face à cette spiritualité, ce mode de vie de générosité et de don ?

Le passage se termine sur le « Hosanna » : une transcription grecque d’une expression en hébreu. À la base il s’agit d’un appel à l’aide, une demande à Dieu d’accorder le salut. L’appel est devenu une expression de joie, car dans la confiance de l’exaucement, la demande initiale devient tout de suite une expression de louange. Après un premier « Hosanna », la foule s’exclame : « Hosanna au plus haut des cieux ». Cette montée de la joie de la foule s’exprime sans doute dans cette version longue. Entre les deux, nous trouvons deux bénédictions : « Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père ! ».

Joie et bénédictions : ce sont les fruits sans prix et de si grande valeur de ce qui a commencé avec si peu de choses. Par notre simple présence et nos petits et grands gestes nous donnons ce qu’il faut pour ne pas seulement écouter le texte biblique, mais le vivre et ainsi permettre à d’autres de le vivre avec nous. Sans ces joies et bénédictions vécues, il manquerait beaucoup à l’ambiance de cette fête des Rameaux.

 


Source : notes bibliques et prédications de l’EPUdF

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