Le chien de Tobie

PORTRAIT BIBLIQUE. À la découverte de personnages bibliques souvent inconnus du grand public ou de second plan, une manière de (re)découvrir toute la richesse de la palette des personnages, des lieux, voire des objets qui foisonnent dans nos Bibles. Petite excursion dans un livre « deutérocanonique* ».

 

Par le pasteur Fabrice Benoit

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Le Temple de Paradis de Jean Perrissin (c. 1569). Le chien en bas à gauche est le symbole des peintres protestants pour la fidélité et l’écoute de la Parole.
© Musée international de la Réforme à Genève (WikiCommons)

Le livre de Tobie, ou Tobit, (Tôbías en grec, de l’hébreu Tobiah : « Dieu est mon bien ») ne fait pas partie du canon des Écritures juives et protestantes. Mais il porte, à sa manière, une sagesse et un message qui sont reconnus par les Églises catholiques et orthodoxes.

 

Ce livre fait partie de la culture populaire et artistique chrétienne

 

Il est surtout connu par tous les cynophiles et les lecteurs de la grande Colette (dans le délicieux Dialogues de bêtes, Colette appelle son bouledogue français Toby-Chien, à qui la chatte Kiki-la-Doucette joue des tours pendables).
Le livre de Tobie est une histoire familiale, à la limite du conte, qui voit Tobie, le fils de Tobit, partir faire un voyage « initiatique » en Babylonie et en Perse, en compagnie de l’ange Raphaël (Rāfāʾēl : « Dieu guérit », en hébreu). Il trouvera le remède pour guérir la cécité de son père, devra lutter contre un démon, Asmodée (Aeshma Daeva, dieu de la colère perse), pour finir par épouser une jeune fille de bonne famille juive (comme il se doit…). Des passages de ce livre sont d’ailleurs utilisés dans la liturgie des mariages catholiques, car il prône une éthique de la conjugalité très élevée.
On voit surtout apparaître la figure étonnante et positive, pour une fois, d’un chien qui accompagne son maître.

 

Le chien a mauvaise réputation dans la Bible

 

Citons par exemple : « Comme un chien qui retourne à ce qu’il a vomi, Ainsi est un insensé qui revient à sa folie. » (Proverbes 26, 11). Le frère Xavier Loppinet nous montre heureusement le contraire : Le chien de Tobie est un joyeux compagnon de route. Il déboule dans l’histoire de Tobie au moment où celui-ci s’engage dans un périlleux voyage, avec l’ange Raphaël. Le chien les suit de son propre mouvement, manifestant une rare insouciance, comme s’il savait que la Providence allait veiller. Effectivement, il a, à côté de Raphaël, comme une mission de gardien et d’« évangéliste », au sens strict, d’annonciateur de bonne nouvelle. Au retour du périple, c’est lui qui devance Tobie et Raphaël pour annoncer par un battement de queue aux parents éplorés que le fils est vivant et va arriver. (Xavier Loppinet, Mon chien me conduira-t-il au Paradis ?, Éd. du Cerf, 2020.)

 

* Les livres deutérocanoniques sont des livres rédigés par les croyants juifs qui vivaient entre le IIe  et Ier siècle av. J.-C. Au  Ier siècle ap. J.-C., le judaïsme officiel n’a pas intégré ces livres parmi les texte considérés comme sacrés (Tanakh), alors que les chrétiens les avaient acceptés. Au IVe siècle ap J.-C., saint Jérôme traduit la Bible en latin (Vulgate) avec les deutérocanoniques. Au XIe, les réformateurs protestants traduisent la Bible hébraïque, ils ont aussi traduit ces livres grecs, mais les ont dénommés « apocryphes » (« cachés », en grec) et ils les ont placés à la fin de notre Ancien Testament « protestant »). C’est l’Église catholique qui à partir du concile de Trente les a qualifiés de « deutérocanoniques » (faisant partie d’un deuxième canon) pour bien souligner qu’elle les considère comme pleinement inspirés.

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