Les gestes dans le culte protestant

Une double détermination semble conditionner les gestes que s’autorisent habituellement les fidèles protestants réunis lors du culte dominical. La première serait de perpétuer la rupture historique avec le rite catholique, grand prescripteur de gestes collectifs comme l’agenouillement, les mains jointes, le signe de croix, la réception bouche ouverte de l’hostie consacrée, voire la prosternation du prêtre lors d'une ordination.

 

Par Jean Loignon

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Le culte réformé se devait donc d’être concentré sur l’écoute de la Parole et des prières, le chant des psaumes et des cantiques. Il ne s’autorisait finalement que l’alternance des postures assises et debout pour le chant et certains actes liturgiques comme l’annonce de la grâce ou la bénédiction.

 

Un marqueur identitaire

 

La seconde détermination fut de se démarquer de fidèles, protestants mais désireux d’exprimer plus physiquement leur foi durant le culte : rappelons que des « prophètes » cévenols, rescapés de la guerre des Camisards et réfugiés en Angleterre, furent à l’origine du mouvement des Shakers (« trembleurs ») rapidement rejetés par les Églises protestantes historiques au point de migrer en Amérique. Plus récemment, des courants pentecôtistes ou charismatiques ont accordé une place éminente à une gestuelle parfois spectaculaire, vécue comme les signes de la présence de l’Esprit.

 

La gestuelle limitée ou débridée devient alors un marqueur identitaire, illustrant la diversité protestante de façon parfois peu fraternelle : en milieu réformé, ne surnomme-t-on pas les fidèles évangéliques « les dévisseurs d’ampoules » parce qu’ils prient debout, bras levés et en tournant leurs doigts ?

Et pourtant, les gestes sont loin d’être absents des cultes des Églises dites « historiques ». Rappelons que le culte luthérien, moins en rupture du catholicisme que le culte calviniste, admet le signe de croix de la part de pasteurs ordonnés seuls habilités à célébrer la Cène.

 

Une authentique émotion

 

Un certain nombre de gestes dans les cultes « classiques » sont le fait des pasteur·e·s ou des officiant·e·s : la fraction du pain de la Cène, la consécration de la coupe, la bénédiction finale. Dans le cas d’un baptême, toucher la tête d’un bébé avec la main mouillée ou verser l’eau ne sont pas des gestes anodins que la tenue d’un micro ne facilite pas. C’est pourtant la maîtrise de ces gestes qui donne à ces actes une visibilité et permet une authentique émotion.

Mais les fidèles parfois rompent avec leur immobilité et se mettent en cercle lors de la Cène et s’ils se donnent la main, cela peut être l’occasion d’une intercession plus chaleureuse.

 

La récitation du Notre Père voit aussi une différenciation : certains tiennent à le prononcer les mains ouvertes…

Les oppositions sont donc infiniment moins tranchées qu’on ne l’imaginerait en se fondant sur des a priori : la présence de fidèles afro-européens issus de cultures différentes et souvent très assidus au culte, une liturgie imaginative visant à inclure les enfants de tout âge peuvent changer la donne. Et les réactions, entre envie et jalousie, devant les cultes évangéliques remplissant les salles avec une atmosphère chaleureuse (enthousiaste ou endiablée ?) créent une porosité entre les comportements.

La grande liberté que s’est donnée durant des siècles le protestantisme dans la célébration de la Parole peut ouvrir la voie à des gestes inédits, dans une bienveillance tolérante, si elle propose mais n’impose pas.

 

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