Messagers d’espérance

De manière paradoxale, il semble que cette année 2020 soit l’écrin idéal pour vivre pleinement Noël comme une formidable bonne nouvelle. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi », s’écrie le prophète Ésaïe (9.1) dans un passage que nous, chrétiens, lisons comme annonçant la venue de Jésus.

Héraut de la ville de Strasbourg (orgue de la cathédrale) © Domaine public

Et c’est vrai, cette année plus que toutes les précédentes, nous sommes dans les ténèbres, l’ombre s’étend sur nous. L’ombre de la pandémie, avec ses milliers de morts ; l’ombre de la peur qu’elle suscite ; l’ombre du désastre économique qu’elle entraîne dans son sillage ; l’ombre du découragement, de l’incertitude face à l’avenir, de la dure solitude qui saisissent tant et tant d’hommes et de femmes…

L’espérance d’un jour nouveau

Mais Noël est précisément cela : une lueur au plus profond des ténèbres, une lumière dans la nuit. Oh, rien d’éclatant ni de tonitruant : un enfant qui naît sans tambour ni trompette dans une pauvre masure… Mais pour qui sait le discerner, c’est un signe qui annonce l’aube d’un jour nouveau. Et même si la fête elle-même est tardive, fixée par l’empereur Constantin au IVe siècle, sa place dans le calendrier a un sens symbolique fort : au solstice d’hiver, au moment où les jours sont les plus courts, Jésus vient, « astre levant venu d’en haut » (Luc 1.78).
Cette année, plus que jamais, Noël sera la fête de l’espérance. L’espérance, la vraie : celle d’une réalité qu’on ne voit pas encore, celle d’un jour nouveau que nous appelons de nos vœux, mais dont l’aube se fait attendre. Car comme le dit l’apôtre Paul, « voir ce qu’on espère n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment l’espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance » (Romains 8.24-25).

Une espérance non sans renoncement

Cette année, plus que jamais, nous sommes invités à être pour notre monde des veilleurs, de ceux qui, avant tous les autres, voient les premières lueurs du jour. Car si nous qui sommes portés par cette espérance, ne sommes pas capables d’annoncer ce jour nouveau au cœur de la nuit, qui le fera ? Laisserons-nous les adeptes du retour au monde d’avant parler à notre place ? Laisserons-nous les marchands d’illusions nous éblouir et nous tromper ? Car l’espérance, la nôtre, n’est pas naïve : elle sait que l’émergence d’un monde nouveau ne peut advenir sans renoncement. Elle sait qu’il faut perdre pour retrouver, qu’il faut quitter pour se mettre en marche.

Un véritable défi

Cette année, plus que jamais, quelles que soient les modalités de nos rencontres autour de Noël, nous sommes institués messagers d’espérance. Pleinement solidaires des hommes et des femmes de notre temps, partageant avec eux l’inquiétude et le désarroi, nous voyons au-delà, plus loin, nous voyons ce qui déjà, en Christ, est accompli. Et cette espérance-là n’est pas pour un futur lointain, pour un lendemain dont nous ignorons tout ; non, elle est pour ici et maintenant. C’est au cœur même de nos ténèbres que Jésus vient, c’est avec nous que pour toujours, il y demeure.
Oui, ce Noël 2020 est pour nous, chrétiens, un véritable défi : prendrons-nous au sérieux cette espérance que nous proclamons ? Saurons-nous en être les hérauts ? « Voix de tes guetteurs ! Ils élèvent leur voix, ensemble ils poussent une acclamation car, les yeux dans les yeux, ils voient le Seigneur en train de regagner Sion. » (Esaïe 52.8).

Pasteure Agnès Lefranc, Église protestante unie d’Orléans

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