Noël contre nos haines

Peut-être ai-je tort de dire : « Si j’avais été Dieu, je ne nous aurais pas créés ». Je serais resté bien tranquille dans mon magnifique cosmos, à contempler mes étoiles, mes planètes, éventuellement mes animaux-machines (comme disait Descartes), bien programmés pour agir comme je l’ai prévu.

 

Par Philippe Malidor, Église protestante unie du Cher

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Je n’aurais pas pris le risque de créer un être « à mon image », c’est-à-dire capable de décider sans moi de ce qu’est le bien et le mal.

 

« Ah ! il est beau, le résultat ! Deux millénaires d’influence de mon Fils, l’Humain pur et sans tache, ont certes fait un peu avancer les choses depuis le Déluge où j’ai failli anéantir définitivement ces humains devenus trop méchants. Mais comme j’ai promis que je ne les exterminerais plus jusqu’à la fin des temps, la mauvaise herbe croîtra en même temps que la bonne. Et donc, désormais, qu’ils se débrouillent ! ».

 

Des discours affinés

 

Aujourd’hui, au pays où a vécu Jésus, ce n’est certes pas la première guerre qui se déroule. Mais celle-ci est si cruelle qu’on en arriverait presque à regretter la Pax Romana qui était pourtant une pax très armée, très tyrannique, où un être humain ne valait à peu près rien. L’humanité s’est sophistiquée, mais dans le fond, elle est toujours aussi primitive. Simplement, elle affine ses discours pour se donner le droit de massacrer son prochain. Et c’est encore pire quand elle le fait au nom de Dieu (qu’elle l’appelle Adonaï ou Allah), puisque la caution divine vaut ce que James Bond eût appelé une licence to kill.

Les chrétiens, sur le fond, ne valent pas plus cher que les belligérants auxquels il est fait allusion. C’est de leurs terres que sont parties deux guerres mondiales et, plus récemment, une guerre de reconquête pour laquelle on convoque des autorités ecclésiastiques chamarrées pour justifier l’injustifiable.

 

La quintessence de l’Évangile

 

Écœurés par tant de barbarie, nous aurions tendance à retomber dans le « eux-nous », puisque nous ne sommes pas (pas encore ?) en guerre, ou pas directement. Et c’est là qu’un agnostique, à qui les Allemands avaient pris son père et à qui des terroristes algériens risquaient de prendre sa mère, a osé écrire ces propos d’une noblesse confondante : « On nous demande d’aimer ou de détester tel ou tel pays et tel ou tel peuple. Mais nous sommes quelques-uns à trop bien sentir nos ressemblances avec tous les hommes pour accepter ce choix ».1

Cet extrait n’est-il pas la quintessence de l’Évangile ?2 Tous pécheurs ! Tous menacés de devenir aussi horribles que ceux qu’on pointe du doigt si nous étions soumis à des agressions innommables. Et donc, tous étant en perdition et ayant besoin d’un Sauveur (en qui l’auteur ne croyait pas mais pour qu’il avait une admiration absolue).

 

Noël est aussi une supplication

 

Ce Sauveur, ce Prince de Paix,3 nous allons fêter sa venue, alors même que Bethléem, son lieu de naissance, en pleine Cisjordanie occupée, peuplé essentiellement de Palestiniens musulmans et de quelques Palestiniens chrétiens, est soumis à des tensions maximales.

Noël est une fête, mais aussi une supplication : Viens, Seigneur Jésus, nous sauver des méchants, c’est-à-dire de nous-mêmes aussi…

 

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1 Albert Camus, Actuelles I, « Ni victimes ni bourreaux – Vers le dialogue », Pléiade, Essais, édition de 1965, p.350. Le texte se prolonge sur… les Russes !

2 Luc 6.41-42.

3 Ésaïe 9.5

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