Noël, entre isolement et espérance

Les périodes de fête sont des occasions de rassemblements familiaux ou amicaux. Or pour certains, ces temps marquent une solitude ou font ressortir des tensions. La lecture d’Ésaïe éclaire la réalité de l’isolement et lui donne une perspective.

Grain de sable

© Nagy-Bagoly Arpad

 

Ésaïe 61

 

Par Anaïs Bolterre, Paroles protestantes Pari

 

Toutes les prophéties d’Ésaïe se situent au moment de l’exil du peuple hébreu à Babylone et s’inscrivent dans une démarche de purification des intentions et de la spiritualité, parfois accompagnée de promesses pour l’avenir. Car au cœur de la morosité peut se cacher une invitation à la vie.

 

De quoi peut-on se réjouir ?

 

Guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs la libération ou reconstruire sur des ruines, tel était le programme du messie annoncé à un peuple en exil. Mais quelques milliers d’années plus tard, l’arrivée de ces merveilles est encore ardemment attendue. La mission confiée au messie promis semble avoir échoué. Fêter Noël relève donc pour certaines personnes d’un exercice d’équilibriste entre le possible, ouvert par la naissance de Jésus, et la réalité de ce monde.

Dans la société comme au cœur d’une famille se rencontrent souvent deux types de réactions : l’insouciance du « Joyeux Noël ! » et le regard vers ce qu’il reste à faire pour accomplir ces prophéties. Car chacun connaît une personne qui ne se réjouit pas ou pour laquelle les fêtes sont difficiles.

 

Soupape de sécurité

 

Faut-il donc se réjouir sans entrave et éloigner la mémoire des importuns le temps d’un réveillon ? Faut-il favoriser les discussions en profondeur et inscrire Noël dans la rencontre et la solidarité ? Existe-t-il une autre voie ? Lorsque la société souffre, son besoin de se défouler prime souvent sur le sens qu’elle accorde à la fête. Le carnaval de Rio illustre cette nécessité d’une soupape sociale où la réalité devient accessoire et le féérique indispensable. Pour beaucoup, Noël est sans doute cette bulle d’enfance pour adultes stressés, au même titre qu’Halloween est un défouloir pour la peur des enfants ou que la Fête de la musique sonne la délivrance des étudiants. Un monde de performance a besoin de moments d’explosion gratuite.

 

Exil familial

 

Mais contrairement à Halloween ou à un carnaval, Noël a un sens spirituel fort. On pourrait s’attendre à ce qu’il soit recherché dans la fête ou bien dans les rencontres que l’on prévoit de faire au cours d’un réveillon. Or c’est l’inverse qui se produit souvent. Noël fait ressortir les différences et les contrastes. La solitude au milieu d’une famille qui ne partage pas ses convictions est plus difficile à vivre ce jour-là, car elle se voit davantage. Dans les rassemblements familiaux importants, l’aspect social prendra possiblement le dessus sur la rencontre vraie. Pour certains, ces rassemblements chatoyants peuvent donc relever d’un sentiment d’exil. Peut-être la promesse d’Ésaïe leur est-elle adressée : « Il vient proclamer aux captifs la libération. »

 

Reconstruire un regard

 

Ce qu’Ésaïe marque ici, c’est le changement de perspective. Guérir un cœur brisé, proclamer la libération au captif, reconstruire sur des ruines, c’est d’abord considérer la brisure, la captivité, la ruine que le quotidien de l’existence et la fête tentent de gommer. C’est à partir de la prise de conscience de ce terreau de la réalité que se bâtit le reste. Sans ce constat, pas d’avenir et pas de sens possibles.

La promesse vient alors comme un changement de regard, un décalage. Proclamer à des captifs la libération alors qu’ils resteront enfermés, annoncer la reconstruction sur les ruines de son pays quand on est en exil ailleurs, cela relève soit de la farce soit d’une modification de perspective. Là est tout l’enjeu des prophéties : permettre à celui qui ploie sous un joug de se remettre à espérer et donc à redevenir acteur de sa vie et de ses relations. C’est peut-être cela aussi, rebâtir sur des ruines ».

 

 

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