Tendre l’autre joue : vraiment ?

GRAIN DE SABLE. Le jour où l’homme a délimité une parcelle de terre et proclamé qu’elle était sienne, instaurant ainsi la notion de propriété, des groupes humains ont commencé à vivre côte à côte. Ils ont formé des sociétés, lesquelles ne pouvaient se maintenir que par un système de lois. Dès ce jour des batailles ont été menées pour conquérir un territoire ou le défendre. Pour une cause. Pour s’émanciper. Crier à la liberté ! Des batailles plus ou moins violentes, dans l’adversité, revendicatrices. À travers de forts discours ou par des actes de rébellion.

Fragile paix de papier, origami photographié à Hiroshima © Mathilde Porte

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Par la pasteure Mathilde Porte

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Depuis toujours, il en est ainsi et la société grandit de ces temps de crises qui creusent le fossé de la rupture vers un lendemain autre. Un lendemain traçant l’idéal d’une société parce que le présent ne correspond plus à la pensée de la société d’aujourd’hui.

Le vivre-ensemble implique forcément un risque de masse lorsque celle-ci, d’un même mouvement, se met à revendiquer dans la violence.

« Violence : sang contre sang, le feu contre le fer, la violence est un cercle. (…) À Jérusalem, au jour de Yom Kippour, un bouc chargé de tous les crimes contre Dieu et le prochain est expulsé dans le désert. Rite symbolique, à reprendre année après année. La violence toujours renaît. Comment briser le cercle ? » 1

 

Faut-il briser le cercle, quand celui-ci est au bénéfice d’un futur meilleur ?

 

La violence ne permet-elle pas parfois de faire réagir ?

Finalement, la loi du talion « Œil pour œil, dent pour dent », qui répond au préjudice par une sanction proportionnelle, ne trouve-t-elle pas sa légitimité lorsqu’on nous déshumanise ou que l’injustice règne ?

À cela Jésus répond : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. » 2

Jésus a-t-il tendu l’autre joue lorsque les gardes le reçurent avec des gifles lors de son jugement ? Devons-nous en toute circonstance tendre l’autre joue ?

Frapper quelqu’un sur la joue c’est le remettre en place, lui indiquer une supériorité. Ce geste d’humiliation ne pouvait se faire que du revers de la main. Car la main droite, symbole des relations sociales et publiques, utilisait la paume pour saluer un ami.

 

Après un tel geste, qui accepterait de tendre l’autre joue ?

 

Au vu des temps présents, nous sommes en droit de considérer Jésus comme un idéaliste, hors des rapports de force humains. Mais n’est-ce pas une autre façon de protester ?

Le philosophe Henry David Thoreau développera l’idée, estimant que « c’est le devoir des individus de protester contre les lois injustes : rester passif et laisser promulguer ces lois sans réagir revient de fait à les cautionner. » 3 Il invite donc à l’objection de conscience par la non-coopération et la résistance non violente.

Mais Jésus va encore plus loin : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » 4

Un amour presque impossible ; or aimer ses ennemis n’est rien d’autre qu’aimer ses prochains. Cela induit un changement de type de relation, puisque c’est un amour qui aime pour rien, acceptant de ne pas obtenir de résultat visible. Aimer sans rien espérer, sinon le lien avec Dieu.

Ainsi, refuser la violence et surenchérir dans la non-violence ont pour effet de renvoyer l’autre à ses actes. Ce n’est pas sans difficulté mais c’est à nous d’inventer face à la violence des temps modernes, pour nous ouvrir vers un chemin autre, portés par l’espérance d’un lendemain changeant.

Parce que nous ne sommes pas seuls et parce qu’à Dieu seul la gloire !

 


 

1 Gérard Billon, 539 mots pour goûter la Bible, Paris, Éditions Mame, 2016.

2 Matthieu 5.39, traduction NBS, Édition d’étude.

3 Collectif, Philosophes, Les grandes idées tout simplement, Éditions Prisma, 2011, p. 204.

4 Matthieu 5.44, traduction NBS, Édition d’étude.

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