Philippe de Mornay, seigneur du Plessis, dit Duplessis-Mornay – 2e partie

Suite du portrait de ce grand homme d’État et de foi (1546-1623).

Vue de Saumur en 1657 par Martin Zeiller © BM de Reims – Domaine public

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 Par Xavier Denon

 

Nommé gouverneur, Duplessis-Mornay reprend son œuvre théologique et publie des textes importants. De sa « place forte spirituelle », il anime sans trêve les ministres du culte et le « parti protestant » inquiets de la marche progressive vers l’abjuration. Il maintient la cohésion du parti, en liaison étroite avec Catherine de Bourbon, sœur du roi Henri IV, sa fidèle correspondante et relais auprès du monarque.

Son activité est telle qu’on le surnomme « le pape des huguenots ». Tenace défenseur de la cause réformée, il cherche à donner à Saumur un renom à l’échelle européenne, à l’instar des villes universitaires allemandes, anglaises et italiennes dont il s’inspire.

 

L’Académie protestante de Saumur

 

Le château de Philippe Duplesis-Mornay à Saumur © Élisabeth Renaud

Des lettres d’érection pour un collège à Saumur, octroyées par Henri, furent à l’origine de cette académie. L’Académie fut ouverte en 1599 ou 1600. Le premier subside annuel de 43 000 écus fut reçu du roi lorsque parut l’édit de Nantes, ce qui leva toutes les difficultés.

Le but était de former les jeunes gens, principalement les futurs ministres du culte, à l’étude des lettres, de la théologie, des langues anciennes (hébreu et grec) et de les préparer aux « controverses » très prisées à l’époque et dans lesquelles excellaient les Jésuites.

L’Académie rayonne en France et en Europe. Elle attire de nombreux étudiants étrangers. Héritière tant de la Réforme que de l’humanisme de la Renaissance, elle est renommée pour sa pédagogie. Elle atteindra son apogée au XVIIe siècle où elle élaborera la « doctrine de Saumur »1. Elle parviendra à se maintenir jusqu’à sa suppression en janvier 1685, peu de temps avant la révocation de l’édit de Nantes.

 

Le « pape des huguenots »

 

L’accession au trône de France d’Henri en 1589 réduit progressivement l’influence excercée depuis Saumur par l’ancien « Premier ministre » de Nérac. Les mœurs austères de Duplessis-Mornay agacent. La sage sévérité de ses avertissements peut lasser et déplaire. Le « pape des huguenots » est écarté des initiatives royales. Il connaît trop bien le roi pour ne pas constater que celui-ci se détache de ses coreligionnaires.

En défenseur de la cause réformée, il reprend sa plume de polémiste et publie en 1598 un « Traité de l’eucharistie » qui irrite profondément le roi, converti « politiquement » au catholicisme depuis 1593.

Il jouera un rôle dans la partie difficile des négociations qui précédent l’édit de Nantes (1598), ou « la paix de Nantes » comme il le soulignait, opposant aux protestants la papauté, les Jésuites et les anciens ligueurs.

 

La disgrâce

 

Il travailla surtout à la « partie secrète » de cet édit, sans se faire d’illusion sur son maintien dans le temps. Il estimait avec raison que les précautions de sécurité prévues (places fortes, garnisons, etc.) ne survivraient pas à la disparition d’Henri IV, ce qui fut effectivement le cas. Mais, estimait-il en parlant de l’édit, « il était plus expédient de l’avoir tel quel que de ne l’avoir point ».

Duplessis-Mornay fut révoqué de sa charge de gouverneur de Saumur par Louis XIII en mai 1623. La ville sera immédiatement ouverte à l’implantation de nombreux ordres catholiques, en « terre de mission ». Le « pape des huguenots » mourra sur ses terres six mois plus tard, ayant voulu en toute lucidité, rester au service de ses rois successifs, par libre décision d’une « conscience nationale ».

 


 

1 La doctrine de Saumur est une théologie protestante formulée à l’Académie protestante de Saumur par le théologien écossais John Cameron (1579-1625), en opposition à la stricte doctrine de la prédestination, élaborée par Calvin.

Le théologien formait, au sein de l’Académie de Saumur, un parti d’opposition à la doctrine « orthodoxe » calviniste du synode de Dordrecht (1618-1619). Ses thèses furent popularisées par Moïse Amyraut (1596-1664). Cette doctrine, proche de la théologie d’Arminius, enseigne une grâce offerte à tous les hommes.

 


 

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