Saumur la protestante, une mémoire à retrouver

Pour les concepteurs des logos qui balisent à l'intention des touristes le riche patrimoine de Saumur, la cause semble entendue : une tête de cheval évoque le célèbre « Cadre noir », fleuron de l'équitation française, une grappe le vignoble local, une silhouette le château et des lignes ondulées la Loire. Mais de croix huguenote, point.

Logos saumurois © Jean Loignon

Le temple de Saumur © Élisabeth Renaud

 

Par Jean Loignon

 

Le signe le plus évident du protestantisme saumurois est le temple, place de l’Arche-Dorée, auquel conduit une rue des Païens (!)1 * : construit en 1840 à la limite de la vieille ville, c’est un modèle achevé de temple dorique qui aurait assez bien convenu à une Athéna quelque peu franc-maçonne.

 

Un campus protestant

 

Il faut donc avoir l’œil attentif à quelques plaques de rues et surtout bénéficier de la compétence d’érudit·e·s2 locaux pour accéder à la mémoire protestante enfouie. En effet, Saumur a connu au XVIIe siècle une parenthèse enchantée, par la grâce d’un personnage de premier plan, Philippe Duplessis-Mornay (1549-1623). Ce seigneur francilien voua sa vie à « la Cause » (protestante) et mit ses talents d’homme de guerre et de diplomate au service d’Henri de Navarre durant les guerres de Religion, tout en étant un théologien averti et un penseur politique. Mais la coexistence avec un Henri IV désormais converti au catholicisme fut ombrageuse et Duplessis-Mornay, nommé gouverneur de Saumur en 1588, se consacra alors à sa ville d’adoption. Il fit de cette place forte stratégique une sorte de campus protestant, par le biais d’une Académie qui draina des enseignants d’élite et à leur suite des imprimeurs et des libraires ; des jeunes gens fortunés venaient de toute l’Europe protestante et, s’ils étudiaient activement la théologie, ils ne négligeaient pas l’art équestre imposé par leur rang social, d’où les premières installations hippiques promise à l’avenir que l’on sait. Saumur s’enorgueillit d’avoir accueilli entre autres le jeune William Penn, futur fondateur anglo-américain de la Pennsylvanie, modèle en son temps de tolérance religieuse.

Le château de Duplessis-Mornay © Élisabeth Renaud

 

Un exode rural

 

Mais la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 détruisit l’œuvre de Duplessis-Mornay, au sens propre puisqu’aujourd’hui l’emplacement même des bâtiments de l’Académie reste incertain. Il s’ensuivit un exode huguenot vers l’Europe du Refuge, particulièrement les Pays-Bas et un déclin incontestable pour la cité. Au XIXe siècle, Saumur retrouvera un lustre bien différent par l’équitation militaire et l’implantation d’impressionnantes casernes. Le jeune officier Charles de Foucauld vint y faire ses classes en 1877-78 et y mena une vie fort dissolue avant de partir pour l’Afrique du Nord et se convertir à une vie de foi ardente jusqu’à sa mort violente à Tamanrasset en 1916. Une paroisse catholique locale a adopté cette figure spirituelle, au point de susciter en 2016 à Saumur un miracle posthume, censé lui ouvrir la voie de la canonisation.

La mémoire protestante de Saumur devra donc durablement batailler pour être reconnue mais elle pourra compter sur les lecteurs de ces lignes et leur envie de découvrir cette cité.

 

1 Le mot signifie originellement « paysan » (paganus) mais quand même…
2 Un grand merci à Mme Gisèle Tron, présidente du Conseil presbytéral pour ses précieuses informations. Lire aussi de LJ. Méteyer, l’Académie protestante de Saumur, Éditions la Cause.

 

* Note d’une lectrice : La rue des Païens, qui mène au temple protestant, doit probablement son nom à une famille portant ce patronyme et ayant habité cette rue. Aucun lien avec le nom de la rue et le temple construit au milieu du XIXe siècle… Les protestants étaient peu nombreux à habiter le quartier du temple, préférant les quartiers en bord de Loire, près des ports fluviaux (quartiers Saint-Nicolas et Saint-Pierre).

 

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