Par Danièle Rigollet, présidente de la MHPC
Il était plutôt connu pour être la retraite des pirates et des pilleurs d’épaves. Les malfrats, jugés mais non condamnés à la peine capitale, étaient envoyés dans ces zones malfamées, difficiles d’accès en raison de bras de mer découpant le territoire en îles et marais insalubres et propices aux maladies. Théodore de Bèze dans son histoire ecclésiastique (1580) écrit : «… Il y a en ce pays de Saintonge, un petit lieu sur la côte de l’Océan, appelé l’Isle d’Arvert, habité ci-devant de gens de marine, c’est-à-dire presque sauvages et sans aucune humanité, mais au reste fort vaillants et hardis sur mer… »
Un refuge
Sur ce territoire vit toute une population très active axée autour d’un produit vital : le sel, « l’or blanc », et son commerce en direction des pays du nord de l’Europe.
C’est dans cette région peu fréquentée par l’administration royale ou par les seigneurs qui ne demeurent pas sur place que, dès 1544, des moines gagnés aux nouvelles idées vont venir trouver refuge. Là, ils enseignent en français, sont favorablement accueillis par ce peuple épris de liberté et se rebellant contre les abus du pouvoir (la gabelle : impôt sur le sel). Malgré la reprise en main du pouvoir, de petits groupes continuent de se réunir clandestinement et débattre des thèmes lancés par les précurseurs réformateurs. En 1576 près des trois quarts de la population ont adhéré au protestantisme.
Avec les guerres de religion et les conséquences de la révocation de l’Édit de Nantes, le protestantisme local va être considérablement affaibli. La population la plus humble n’ayant pas les moyens de s’exiler, mais résistant aux pressions, vivant sa foi lors d’assemblées du Désert, dans les dunes, les marais… va maintenir le protestantisme en presqu’île d’Arvert.
Que reste-t-il de toute cette histoire ?
Des temples : que de temples ont été détruits ! Mais entre 1810 et 1865 chaque village a vu son temple reconstruit. En 1865, il y en avait 24. Quelques particularités : le temple de Saint-Sulpice de Royan est octogonal. Le temple d’Arvert est construit au fond d’un enclos, dans le même espace sont regroupés trois autres bâtiments : la mairie, le logement de l’instituteur et l’école de garçons protestante.
Des noms : qui sont restés dans les mémoires : Philibert Hamelin, pasteur formé par Calvin et envoyé par lui à Arvert, mort martyr en 1557. Jean Louis Gibert (1722-1773) l’intrépide pasteur du Désert, initiateur des maisons d’oraison sur la presqu’île. Jean-Daniel Coudein (1793-1857) le commandant du radeau de la Méduse…
Des graffitis : sur les maisons qui témoignent de la présence protestante.
Des objets et documents : le moule à méreaux de La Tremblade, des sermons manuscrits du pasteur Jarousseau (1729-1819), des psautiers anciens, des costumes…
Des cimetières familiaux : la Maison du Protestantisme Charentais (MHPC) les répertorie afin d’en garder la mémoire, de les faire connaître et d’aider à protéger ce patrimoine ; elle en a dénombré à ce jour environ 200.
La Maison de l’histoire du protestantisme charentais : l’association fondée en 1994 a comme objectifs de collecter, préserver le patrimoine matériel et immatériel lié au protestantisme sur la presqu’île d’Arvert. Elle présente ses collections lors d’expositions estivales. Expositions stoppées depuis deux ans en raison de la situation sanitaire. Elle propose aussi des conférences et des visites guidées et rédige chaque année un cahier comportant des articles divers à partir d’archives, de recherches historiques, …
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