Voyager en « Terre Sainte » aujourd’hui ?

Tradition bimillénaire, le voyage en « Terre Sainte » n’est plus guère le pèlerinage d’autrefois avec sa capacité de réparer des fautes ou d’améliorer ses perspectives de salut. Il a évolué vers un tourisme religieux qui vise à offrir une expérience spirituelle sur les lieux mêmes où a vécu Jésus. Souvent effectué en groupe, parfois issu d’une même paroisse, il peut susciter un témoignage fécond et renforcer la foi d’une communauté.

Le Mont du Temple depuis le Mont des Oliviers (voyage en 2022 proposé par la région Ouest) © Mazenod

………..

Par Jean Loignon

……….

Il n’est pas difficile de trouver des agences spécialisées1 qui proposent en une dizaine de jours un parcours reliant les hauts lieux de la naissance du christianisme : entre autres, « Terre Entière » d’inspiration catholique, « Découverte et Partage » de sensibilité protestante.

 

Une géopolitique douloureuse

 

Signe d’un œcuménisme dans la quête des racines chrétiennes, les programmes offerts sont très proches : Nazareth et les bords du lac de Tibériade, Bethléem et l’église de la Nativité, Jérusalem avec le parcours de la Passion mais aussi une place faite au judaïsme avec le Mur des Lamentations et la visite de Yad Vashem, lieu de mémoire de la Shoah, sans oublier le bain obligé dans les eaux de la mer Morte, non loin du site de Qumran…

Une lecture attentive des programmes de ces voyages révèle qu’il est difficile pour un lecteur non averti de savoir si son séjour se déroule en Israël ou en Palestine : l’expression « Terre Sainte » occulte sensiblement la géopolitique frontalière tourmentée et surtout douloureuse de la région.

Le tourisme spirituel peut-il être un parcours hors sol, à l’écart mental de ce que vivent les peuples israélien et palestinien ? Peut-il éviter de voir le mur qui isole Bethléem (en territoire palestinien) de Jérusalem si proche ? Et les checkpoints militaires jalonnant les itinéraires qu’aurait empruntés Jésus ?

 

Une tradition bimillénaire et mondiale

 

Deux faits sont venus rendre plus crucial ce questionnement :

Depuis des mois, une guerre larvée ravage les territoires palestiniens occupés par Israël : un conflit dit « de basse intensité » totalement éclipsé par la guerre en Ukraine mais qui chaque jour tue des civils palestiniens, dans le cadre d’opérations particulièrement brutales de Tsahal (l’armée israélienne).

Depuis fin décembre, le très contesté Netanyahou est revenu au pouvoir, grâce au soutien d’une extrême-droite raciste, favorable à un régime d’apartheid. Autant dire un feu vert aux colonies implantées en territoire palestinien et au harcèlement auquel se livrent les extrémistes d’un sionisme dévoyé.

Faut-il alors appeler au boycott des voyages religieux en Israël ? Ce serait bien présomptueux, tant est enracinée cette tradition bimillénaire et mondiale.

Mais en revanche intégrer qu’Israël et la Palestine ne sont pas seulement le décor d’un pays fantasmé de notre foi chrétienne mais un lieu ou des hommes et des femmes se déchirent et meurent au quotidien, un lieu où depuis 80 ans l’espoir de la paix semble… sans espoir. Décider d’inclure dans ces voyages des rencontres avec les artisans de paix2 bien minoritaires mais qui des deux côtés ne renoncent pas.

Et se poser la question : si Jésus revenait aujourd’hui, quel regard poserait-il sur son pays et quelle serait sa parole ?

 

1 Site de Terre entière et Site de Découverte-partage

2 Le Conseil œcuménique des Églises anime depuis 2002 un programme d’accompagnement en Israël et Palestine par l’envoi de bénévoles assurant une mission de solidarité et de protection en matière de droits humains : programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et Israël

 

Contact