CINÉMA
Cette critique a été aimablement fournie par notre partenaire, l’association Pro-Fil.
Réalisation : Alice Winocour
France, 2022, 105 min.
Biographie
Alice Winocour, après des études de droit, se forme au scénario à la FEMIS. Elle réalise notamment le scénario de Mustang et contribue à celui de Mignonnes. Son premier long-métrage, Augustine (2012), est un succès. Suivront Maryland en 2015 et Proxima en 2019. Les héroïnes d’Augustine et de Proxima sont comme Mia dans Revoir Paris, des femmes à la fois fortes et fragiles.
Résumé
Mia, traductrice de russe, est prise dans un attentat dans une brasserie. Trois mois plus tard, rentrée à Paris, alors que sa blessure est cicatrisée mais qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se souvient de rien, elle décide d’enquêter pour retrouver la mémoire et le chemin d’un bonheur possible. L’enquête avance par à-coups, parfois de façon rationnelle, parce qu’on lui donne une indication, parfois de manière irrationnelle, lorsqu’un souvenir lui revient tout à coup, dans un brusque flash-back muet.
Analyse
Les dix premières minutes racontent la soirée de Mia avant l’attentat et l’attentat lui-même. Celui-ci est filmé de manière quasi abstraite, il est violent par les sons plus que par les images, on ne voit, par les yeux de Mia, que des chaussures et des canons de fusil, puis le trou noir. Ce trou noir, cet effacement de la mémoire, Mia va s’employer à le guérir, non pas toute seule mais avec les autres. Ce film est en effet un film choral ; par les rencontres de Mia, on suit d’autres personnages : une jeune fille qui a perdu ses parents dans l’attentat et qui cherche à reconstituer leurs dernières heures, une femme agressive qui a perdu son mari et qui accuse Mia de s’être enfermée dans les toilettes, un homme, Thomas, qui fêtait son anniversaire, qui a été blessé à la jambe et qui, lui, se souvient de tout alors que Mia ne se souvient de rien, enfin le cuisinier sénégalais qui a tenu la main de Mia pendant qu’ils se cachaient. Le film parle de la reconstruction individuelle, mais aussi de la reconstruction collective. La vie reprend, les gens retournent boire, manger et rire dans la brasserie. Et les éboueurs finissent par enlever les bougies sur la Place de la République, une belle scène de nuit, vue depuis la fenêtre de Mia, à la fois positive car c’est la vie qui reprend mais aussi violente car, comme le dit Alice Winocour dans une interview, « on met la mémoire à la poubelle ».
La réalisatrice avait pensé au départ que son héroïne serait une Américaine, d’où le titre, mais d’une certaine manière Mia « revoit Paris » après trois mois d’absence, c’est bien une redécouverte. L’atmosphère du film vient en partie de cette immersion dans la vie parisienne d’aujourd’hui mais elle vient aussi des longs plans qui permettent de scruter les états d’âme de Mia, magistralement interprétée par Virginie Efira. La construction du film, assez complexe, utilise des images et des voix off pour évoquer les souvenirs des victimes et une bande son très présente due à une musicienne suédoise spécialiste de gothique.
Jacques Champeaux
Fiche technique
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Avec :
Virginie Efira (Mia) – Benoît Magimel (Thomas) – Grégoire Colin (Vincent) – Maya Sansa (Sara) – Amadou Mbow (Assane) – Nastya Golubeva Carax (Félicia) – Anne-Lise Heimburger (Camille).