Grain de sable
Par Agnès Lefranc, pasteure
Souvenez-vous du terrible « Gott mit uns », « Dieu avec nous », du combat nazi pendant la Seconde Guerre mondiale… Non, décidément, le Dieu en qui je crois n’a pas ce visage-là, il n’est pas ce Dieu belliqueux, qui pourfend, au côté de ses fidèles, l’ennemi impie !
Que faire, alors, d’un texte comme celui-là ? Peut-être le lire plus attentivement. Car ces fameux Amalécites sont de bien étranges adversaires. Surgis de nulle part, ils engagent la bataille sans raison apparente. Et lorsque la bataille est finie, ils disparaissent comme ils sont venus, sans qu’il soit question ni de victimes, ni de traité de paix, ni de butin…
Combattre l’ennemi…
Comment comprendre cela ? Peut-être comme une expression de cette autre guerre qui se joue dans les cœurs, la guerre qui voudrait faire faire demi-tour au peuple, le remettre sous le joug de l’esclavage et le faire douter du Dieu qui lui a fait passer la mer à pied sec. Cette guerre-là, nous la connaissons tous. Cet ennemi-là, nous avons tous affaire à lui un jour ou l’autre.
Amaleq, c’est donc l’Ennemi, avec un grand E. C’est comme cela d’ailleurs que le Nouveau Testament appelle Satan : l’Ennemi. il est l’ennemi de la condition humaine, l’ennemi de la liberté, celui qui voudrait nous rendre esclaves et nous maintenir dans la peur. Comment combattre cet ennemi-là ? Pour venir à bout d’Amaleq, Moïse monte sur une colline proche. Les hauteurs, les montagnes sont toujours, dans la Bible, le lieu où l’on rencontre Dieu, le lieu où il demeure. Et là, sur la colline, Moïse se tourne vers Dieu, levant les mains vers le ciel. Un geste d’homme libre : « Ces fils d’Israël qui sortaient la main haute », voilà comment le récit biblique décrit le peuple passant la mer Rouge. Un geste de louange aussi : « C’est lui mon Dieu, je le louerai ; le Dieu de mon père, je l’élèverai », s’écrie Moïse après le passage de la mer. Pour venir à bout d’Amaleq, Moïse lève les mains, se tournant résolument vers Celui qui a libéré le peuple de l’esclavage et l’a conduit jusque-là.
Et gagner les batailles ensemble
Mais garder les bras levés, cela n’a rien d’évident ! Il est difficile de durer dans la prière, dans l’intercession, de rester tourné vers Dieu, sans céder à la tentation du repli sur soi et de la plainte. C’est tellement plus facile de céder à la fatigue et au découragement, de baisser les bras, de renoncer… Mais Moïse n’est pas seul, Aaron et Hour lui soutiennent les mains ; tout seul, il n’y arriverait pas, tous seuls, nous ne pouvons venir à bout de cette guerre, de ce combat. Là est la force de la communauté : ensemble, nous pouvons gagner des batailles que nous perdrions si nous restions seuls.
Et il y a mieux encore : souvenons-nous de Celui qui, comme Moïse, a levé les bras vers le ciel pour que nous soyons délivrés de tout ce qui fait de nous des esclaves. Celui-là, il n’avait personne pour lui soutenir les bras à gauche et à droite, il était seul, et ses mains étaient clouées sur une croix. Jésus, le grand intercesseur, s’est tenu sur la colline de Golgotha, et a porté devant son Père la guerre contre l’ennemi primordial. Et là, sur la croix, il a tué la haine, il a fait taire les armes, il a fait vaincre la liberté pour chacune et chacun d’entre nous.