Par Anne-Marie Balenbois
Il est entendu depuis la Réforme que les images sont suspectes. En réalité, c’est surtout chez les calvinistes que, par rupture avec le culte de certaines statues ou reliques au Moyen Âge, les temples ont été conçus sans images. Dans la tradition chrétienne au sens large, et sans qu’il soit ici question de culte, les images ont été et sont toujours utilisées pour illustrer les textes, spécialement aux premiers siècles. Les fresques et mosaïques qui ornaient les églises servaient de soutien à l’enseignement biblique. Mais comment représenter le Christ ? Pour les populations juives et surtout païennes de l’époque, il ne pouvait être question de le montrer sur une croix, supplice très commun et dégradant réservé aux brigands et criminels. Le mot « crucifix » n’apparaît d’ailleurs qu’au XIIe siècle pour qualifier cette sculpture spécifique. C’est ainsi que, pour faciliter les conversions, d’autres thèmes ont été privilégiés par les artistes, sur commande du clergé.
Une tradition byzantine
À Ravenne (dernière « tête de pont » byzantine en Italie du Nord), où est conservé un extraordinaire ensemble de mosaïques datant du Ve siècle pour les plus anciennes, on peut admirer au mausolée de Galla Placidia un Christ représenté en « bon pasteur », entouré de ses brebis. Presque contemporain du concile de Chalcédoine, ce Christ est un berger assis et caressant une des brebis sur lesquelles il veille (« Je connais mes brebis et elles me connaissent », Jn 10.14). De l’autre main il tient une croix à la manière d’un bâton pastoral, la tête ceinte d’une auréole. Une autre représentation classique du Christ dans les églises byzantines le figure sous la forme du Tout-Puissant (Pantocrator en grec), visage apaisé et bénissant.
Des mystères aux santons
À partir du milieu du Moyen Âge, en Occident, les mystères (spectacles qui se déroulent devant les églises) commencent à raconter la Nativité au moment de Noël. Le développement du culte marial a entraîné très tôt des représentations de Marie avec l’enfant Jésus, mais la fête de Noël, avec sa composante explicitement tournée autour de la naissance du Christ, reste longtemps secondaire dans la théologie chrétienne, l’accent étant mis davantage sur Pâques. C’est saint François d’Assise, au XIIIe siècle, qui lance une nouvelle pratique religieuse avec le développement des crèches ; elles peuvent rester en place plusieurs jours au moment de Noël alors que les mystères étaient des représentations éphémères. À Assise, où la basilique a été construite peu après la mort du saint, Giotto a peint de nombreuses fresques, notamment autour de la vie du Christ, dont une magnifique Nativité. La scène, fidèle au récit biblique, est centrée sur le miracle de la naissance et la promesse qu’elle entraîne, avec de nombreux anges tout autour qui célèbrent la Bonne Nouvelle. Aujourd’hui, les temples reprennent volontiers la tradition de la crèche vivante pour animer le culte du Noël des enfants, célébré juste avant les vacances. Dans la joie, avec application et toujours dans la fidélité aux textes.