Message du président du Conseil régional Ouest – Angers – 17 novembre 2023

Monsieur le modérateur, Mesdames les modératrices, chères sœurs, chers frères en Christ, chers ami·es. Nous voici à Angers pour le 11e Synode de l’Église protestante unie de France en région Ouest. C’est avec joie que je vous accueille dans ce beau centre mis à notre disposition pour ces trois jours de Synode. Merci à chacune et chacun pour votre présence, et pour ce temps que vous donnez à l’Église. Je ne peux commencer ce Synode régional sans vous parler de paix. Vous parler de paix car nous sommes entourés de guerres.

 

Jean-Luc Cremer © Christian Barthélemy

La guerre en Ukraine, la guerre en Arménie, la guerre en Israël et en Palestine, sans parler des autres conflits dans le monde et des tensions multiples qui existent aux quatre coins du globe. 55 conflits armés sont recensés aujourd’hui dans le monde.

Peut-être que ces conflits ont un impact sur vos vies ?

Peut-être aussi qu’ils touchent vos liens amicaux avec des personnes qui habitent ces territoires ?

Peut-être que vous êtes touchés dans votre chair car vous êtes originaires de ces régions ou une partie de votre famille y vit encore.

 

Dans tous les cas nous sommes tous concernés car nous sommes chrétiens et ce sont nos frères et sœurs qui souffrent.

Que pouvons-nous faire nous EPUdF en région Ouest ?

Nous pouvons prier.

Ainsi je vous invite à porter dans la prière personnelle et communautaire, une intention pour la fin de ces conflits et pour les souffrances vécues par tous ceux qui en sont les victimes.

 

Je vais vous résumer une histoire de la bible qui se situe à une période où un peuple est parti en déportation, exilé pour suivre le vainqueur.

C’est sur une partie du livre de Daniel que je vais vous partager quelques mots.

 

Daniel 3

 

Le livre de Daniel parle du temps où le puissant roi Nabuchodonosor gagne la guerre contre le roi de Juda Joaquim, la première déportation du peuple à Babylone a lieu. L’histoire que j’ai retenue parle de trois hommes jeunes qui ne manquent pas de courage. Amis de Daniel, Hanania, Michaël et Azaria, exilés, sont à la cour du roi Nabuchodonosor.

 

Et voilà qu’un jour ce roi commande une statue d’or, haute de trente mètres et large de trois mètres. Il la fait dresser dans la plaine de Doura, dans la province de Babylone. Ensuite, il envoie des messagers pour réunir les satrapes, les préfets, les gouverneurs, les conseillers, les trésoriers, les juges, les hommes de loi et tous les autres chefs des provinces. Ces fonctionnaires importants doivent venir à une cérémonie en l’honneur de la statue que le roi vient de faire dresser. Alors tous se rassemblent et se placent devant la statue pour la cérémonie. Le maître de cérémonie crie avec force : « Gens de tous les peuples, de tous les pays, et parlant toutes les langues, écoutez cet ordre : “Vous entendrez jouer de la trompette, de la flûte, de la cithare, de la harpe et de toutes sortes d’instruments de musique. Alors vous vous inclinerez jusqu’à terre et vous adorerez la statue d’or que le roi Nabuchodonosor a fait dresser. Si quelqu’un refuse de s’incliner devant elle et de l’adorer, il sera aussitôt jeté dans la fournaise.” »

Les trois amis de Daniel vont refuser d’adorer la statue du roi, en fidélité à leur Dieu. Le roi se met alors dans une grande colère et fait venir les rebelles devant lui. Le roi leur dit : « J’ai appris que vous refusez de servir mes dieux. Vous n’adorez pas la statue d’or que j’ai fait dresser. Est-ce que c’est vrai ? Vous allez entendre de nouveau le son de la trompette, de la flûte, de la cithare, de la harpe et de toutes sortes d’instruments de musique. Est-ce que vous êtes prêts à vous incliner à ce moment-là pour adorer la statue que j’ai faite ? Si vous ne l’adorez pas, vous serez jetés aussitôt dans la fournaise. Quel est le dieu qui peut vous délivrer de mon pouvoir ? » les trois hébreux répondent au roi Nabuchodonosor : « Notre roi, il n’est pas nécessaire de te répondre là-dessus. Notre Dieu, celui que nous servons, est capable de nous délivrer de cette fournaise et de ton pouvoir, et il nous délivrera, notre roi. Et même s’il ne le fait pas, tu dois le savoir, notre roi : nous ne servirons pas tes dieux et nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as fait dresser. » Nabuchodonosor est très en colère, et son visage devient dur. Il commande de chauffer la fournaise sept fois plus que d’habitude. Ensuite, il donne cet ordre aux soldats les plus forts de son armée : « Attachez-les ! Puis jetez-les dans la fournaise ! » Aussitôt après, les soldats attachent ces trois hommes avec leur costume, leurs chaussures, leurs chapeaux et tous leurs vêtements, et ils les jettent dans la fournaise. Alors les flammes brûlent complètement les soldats qui sont venus les jeter dans le feu. Et les amis de Daniel tombent tout attachés au milieu de la fournaise.

 

Même si !

 

La Bible raconte des histoires, des histoires pour ne pas oublier, des histoires subversives aussi pour se moquer, pour garder vivante une autre vision des choses. On peut toujours se poser la question en lisant la Bible : est-ce que cette histoire est vraie, est-elle historique ? s’est-elle déroulée exactement comme c’est décrit ? Les exégètes historiens bibliques et aussi archéologues bibliques se posent ces questions depuis des décennies et nous ne trouvons jamais des réponses bien précises à ce sujet. Mais si ces histoires ont été transmises c’est que ce genre d’histoire raconte quelque chose de la vie, dit quelque chose sur la vie humaine, sur les relations et sur l’humanité qui vivrait seule et sans sens dans ce monde ou bien s’il y a une force de vie éternelle/ une transcendance qui est mystérieusement présente. Toute histoire biblique est symbolique et cela n’enlève rien à la vérité qui la contient.

 

Imaginez donc un grand roi d’un grand empire qui a pris tout le pouvoir et n’a donc qu’une peur : le perdre. Ce roi, appelons-le Nabuchodonosor. Sa dernière trouvaille : se faire une statue énorme en or et exiger de tout le monde de s’incliner devant. Vous l’avez très bien compris, cette gigantesque statue en or, c’est l’image qu’il érige de lui-même, c’est lui. Il érige en statue ce qui avait été son cauchemar juste avant. Car il a fait un rêve- plutôt un cauchemar, d’une grande statue, tête en or, poitrine en argent, ventre en bronze, jambes en fer, pieds d’argile ; arrive une toute petite pierre qui roule de la montagne, qui frappe les pieds et tout l’édifice s’écroule. Il n’y a pas meilleure image de lui : une idole, une star, de la frime de la tête aux pieds, mais construit sur du fragile. Ça brille, mais il n’y a rien derrière. Fatalement, le pire cauchemar de ce roi, ce tyran, est de s’écrouler un jour. Une petite pierre qui pourrait tout faire écrouler. Mais il persiste, il fait construire sa statue et il exige de tout son peuple de s’incliner devant lui, devant sa statue

 

Ce qui est extrêmement impressionnant face à cette violence, cette manipulation, c’est la réponse des trois hébreux : « Notre Dieu est capable de nous sauver, il nous sauvera, et même s’il ne le fait pas, nous refuserons quand même. » Leur foi n’est pas un marché, ce n’est pas : « Je crois, parce que Dieu me donnera un résultat. Je crois, parce que j’y gagne. Même s’il ne le fait pas, je refuse de céder à ta violence ». Dans ce « même si » réside pour moi l’essentiel de la foi : Nous faisons confiance à Dieu, et même s’il se cache, il restera quand même notre Dieu. « Même si », échappe à tout tyran. « Même si », deux petits mots qui font toute la différence.

 

Bien sûr que cette histoire se termine bien, elle a été racontée dans ce but, pour faire un grand pied de nez aux dictateurs de tous les temps. Cette histoire se termine bien, parce que justement, très souvent, c’est le mal et la violence qui gagnent. Mais même si souvent, le mal et la violence sont au premier rang, ce n’est pas une raison pour ne pas se raconter des histoires où les tyrans sont ramenés à ce qu’ils sont vraiment : des mégalomanes qui sont déjà morts de trouille, même s’ils font encore beaucoup de dégâts autour d’eux. L’histoire ne leur donnera pas raison. L’intérêt de cette histoire, n’est pas dans son happy end, mais dans le fait que trois amis restent debout, qu’on peut donc toujours faire des choix, des bons choix, des choix de confiance, de foi. Ces trois amis ont fait un choix, ils ont attesté, ils ont témoigné d’une foi qui échappe à toute tyrannie.

 

Rappelons-nous : la foi dans un sens biblique n’est pas une morale, ni un sentiment de piété. La foi est une posture, comme une colonne vertébrale qui nous permet de tenir debout et de marcher. Faisons nôtre pour notre chemin de vie cette posture des trois amis : « Même si » … « Même si » est la posture de la foi.

En ce début de synode, je voudrais que nous nous appuyions sur cette posture pour vivre nos temps de débats, nos temps d’échanges, nos propositions

Il y aurait tant d’occasions de perdre pied, de baisser les bras, face aux défis qui sont devant nous en particulier dans la mission de l’Église, face aux violences du monde, aux dictatures, aux guerres, aux changements du climat. Nous avons tellement d’occasion d’avoir peur des réactions des autres si on ne pense pas comme eux. Nous aurions tant d’occasions de nous taire face aux racismes, aux injustices et de ne pas résister.

Au moment où nous sommes en train de changer de monde, l’Église est en crise. Et nous essayons les uns et les autres de trouver comment tenir le coup malgré tout. Comment encore conserver ce que nous connaissons depuis de longues années, et qui nous a fait vivre ? Mais la mission de l’Église n’est pas de s’agiter dans tous les sens en essayant de trouver la bonne idée, ni de conserver quoi que ce soit. Elle se trouve dans le partage, à partir de notre expérience personnelle, de l’amour du Christ. J’aimerais partager avec vous ma conviction que le chrétien n’est pas un croyant, mais un disciple du Christ. C’est dans cette expérience que s’enracine l’engagement missionnaire.

 

Nous avons une Église à transformer

 

C’est la mission qui nous est confiée depuis quelques années et que nous devons mener à bien, même si des résistances semblent de véritables montagnes infranchissables.

Alors comment réussir notre mission ? Nous sommes ici tous différents. Nous avons des priorités différentes, des histoires de vie différentes, une vie d’Église différente. Il y a ceux qui sont de famille protestante depuis toujours, qui se sentent appartenir à l’Église protestante Unie et ceux qui ont rejoint l’EPUdF après avoir cherché des réponses à leurs questions, ailleurs et qui se sentent aujourd’hui appartenir à l’EPUdF. Il y a aussi ceux qui sont déçus par une autre Église et qui rejoignent nos lieux de culte et qui se sentent eux aussi appartenir à l’Église protestante unie.

La différence se voit aussi dans notre façon de vivre l’Église dans une grande ville, ou dans la campagne, et aussi dans les cantiques que nous aimons chanter ? Psaume, cantiques du Réveil, cantiques des années 70 ou 80, ou encore écrits aujourd’hui ?

Il y a ceux qui sont salariés de l’Église, et ceux qui sont bénévoles. Les pasteurs, les enseignants.

Bref, il existe encore des tas de choses qui nous différencient.

Mais alors, comment vivre l’unité dans toutes nos diversités ?

Car pour réaliser notre mission nous devons faire équipe. Comment faire équipe quand on est obsédé par conserver ce que nous avons toujours connu ? Comment faire équipe quand notre priorité est de garder jalousement nos acquis, ce que nous possédons ? Comment être une équipe unie avec nos talents individuels ? Car sans unité on n’y arrivera jamais !

Chers amis synodaux, une belle équipe, ce n’est pas une somme de talents, mais des individualités au service de leur mission. Ce sont des hommes et des femmes qui sont portés par la mission, qui savent s’oublier, mettre de côté leur ego, leur prétention, pour se mettre au service. Une somme d’égo ne sera jamais qu’une somme d’égo. L’important est que chacun ait confiance dans le groupe, plutôt qu’en lui-même. Savons-nous être ensemble ? Qu’est-ce qui fait une belle équipe ? Qu’est- ce qui fait qu’un bon groupe réussit ?

Voilà les questions que nous devons nous poser et que chaque Conseil presbytéral, Conseils régionaux, et le Conseil national doit se poser. Qu’est-ce qui va faire la différence pour que notre Église trouve un nouveau souffle ?

 

Cinq axes sont essentiels

 

Définir le sens. Pourquoi on est ensemble ? Quels sont nos objectifs ? Où veut-on aller ? Vers où voulons nous entraîner les autres ? Définir le sens c’est chercher où Dieu veut nous emmener pour sa mission. La mission de l’Église, à tous les niveaux, n’est pas de rassurer les convaincus, mais de partager l’Évangile en nourrissant spirituellement les hommes et les femmes qui rejoignent nos communautés ecclésiales.

 

Rassembler. Réunir les personnes, pour qu’elles se rencontrent. Associer les personnes suivant leurs compétences, leurs désirs. Offrir des temps, des lieux où chacun peut se retrouver et trouver Dieu. Vous comprenez bien que cela ne peut pas se vivre avec une seule forme de culte ou d’animation. Nous sommes pluriels et nous ne proposons bien souvent qu’un seul type d’activité pour vivre la foi !

 

Fédérer. Donner l’esprit d’unité. Faire comprendre que nous appartenons à un même corps, à une famille, enfants d’un même père. Travailler sur la façon dont nous souhaitons vivre ce pourquoi nous sommes appelés. Cela fait appel à nos émotions, notre regard sur le monde qui nous entoure. Fédérer c’est faire un travail pour voir l’autre comme une richesse et non pas comme une menace.

 

Partager. Le partage de nos savoir-faire est important. Le partage de notre foi est primordial. Partager avec ceux qui ne sont pas dans notre groupe, mais qui nous ont élu, appelé, pour être responsable. L’Église se transforme malgré nos réticences, et nous devons accompagner ces changements qui font peur.

 

Prier. Enfin, je voudrais dire qu’une belle équipe, dans l’Église, c’est celle qui porte ses membres dans la prière. Prier les uns pour les autres, pour être encouragés, réconciliés et servir le bien commun.

Fort de ce que je vous partage, notre synode s’inscrit dans la suite de celui de 2021 et 2022 sur la question des ministères.

Nous allons avoir l’occasion au cours de ces trois jours d’échanger et d’imaginer ce que nous pourrions mettre en place pour que l’Église soit pertinente pour le monde d’aujourd’hui.

 

Quelle Église voulons-nous ?

 

Je constate que les Églises locales reflètent ce qu’elles sont. Nous avons des fantasmes sur l’Église idéale avec des jeunes et des familles, qui montrent qu’une suite est possible. Malheureusement cette tranche d’âge est minoritaire dans nos communautés. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’on ne sait pas faire ? De quoi avons-nous besoin pour rejoindre cette population ? Quelle image de l’Église donnons-nous ? Donnons-nous envie ? Est-ce que nous partageons notre joie de vivre notre foi, dans l’Église et hors de l’Église ? Vous aurez l’occasion d’échanger sur ce sujet.

 

Nous avons besoin d’un nouvel élan

 

Pour cela nous devons retrouver la notion de service. Servir l’Église, non pas comme une contrainte, mais joyeusement et avec entrain. Dans la charte pour une Église de témoins, adoptée lors du synode national de Mazamet en 2022, nous pouvons lire : Émerveillons-nous de l’amour de Dieu pour le monde et pour chacun, allons vers les autres, ouvrons-nous à l’accueil, faisons de la mission de l’Église notre joie, ayons confiance en la puissance de l’Esprit Saint !

Or pour vivre cela et recevoir un nouvel élan quoi de mieux que la prière. Elle n’est pas là pour rester statique et conforter nos désirs, mais pour puiser à la vraie source. Elle permet aussi de dire que tout ne se transforme pas uniquement avec nos propres forces. Pour trouver le chemin de la prière, si nous l’avons perdu, de quoi ou de qui avons-nous besoin ? Quel type de ministère peut nous y aider ? Comment la vivons nous personnellement et en communauté ? Vous aurez encore l’occasion d’échanger sur ce sujet.

 

Vous l’aurez compris à travers ce message, la réforme de l’Église et son processus de conversion comporte deux dimensions aussi indispensables qu’indissociables. Spirituelle et structurelle.

Nous sommes appelés encore et toujours à partager la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ dans le monde contemporain, là où elle semble de moins en moins attendue. Vous entendez cela depuis de nombreuses années. Mais pour continuer aujourd’hui encore à vivre cette vocation, cela demande que notre Église entre dans le dur, c’est-à-dire retravaille les structures, les règlements, la formation. Peut-être faut-il arrêter certaines habitudes, certaines façons de former, d’évangéliser, d’être pasteur ? Ce synode est l’occasion de faire des propositions nouvelles. Ne passons pas à côté.

Toutes ces réflexions doivent rester au service de l’objectif premier qui est d’ouvrir des portes d’espérance pour que chacun puisse les passer. Les égos, les prés carrés les jeux de pouvoir n’ont pas lieu d’être dans ce temps nouveau. Nous devons dire à toutes et à tous que chacun a un rôle à jouer, que nous avons tous à marcher ensemble. Nous ne pourrons pas échapper aux déceptions. Il faut le savoir et l’assumer.

Alors faut-il fuir de peur de souffrir des changements qui vont advenir ? Faut-il se taire pour ne pas bousculer les structures actuelles ? Je ne le crois pas. Nous sommes appelés à vivre de la confiance reçue et donnée. Nous sommes appelés à dire : Même si les décisions, les orientations que mon Église va prendre, sont difficile pour moi, je continuerai toujours à avoir confiance au Dieu de Jésus-Christ. Quoiqu’il arrive, je crois qu’il conduit toujours et encore l’Église. Même si beaucoup d’évènements semblent dire le contraire, je décide de faire confiance à mon Dieu.

 

Bon Synode à tous.

Je vous remercie.

Pasteur Jean-Luc Cremer

 

 

Contact