Jeunesse (Le printemps)

Un film de Wang Bing, sortie le 3 janvier 2024, 3h35, documentaire.

CINÉMA

profil2-300x109

Documentaire austère et foisonnant, ce premier volet d’une trilogie se déroule à Zhili, cité dédiée à la confection textile à 150 km de Shanghai, où les jeunes affluent de toutes les régions rurales traversées par le fleuve Yangtsé. 300 000 ouvriers migrants y viennent chaque année et se répartissent dans près de 20 000 petites entreprises privées familiales ou individuelles où, rémunérés à la pièce et payés tous les six mois, ils travaillent de 8 h à 23 h, avec une heure de pause midi et soir et une soirée de repos par semaine.

 

À Zhili, alors que les autres secteurs économiques sont sous la coupe du régime, cette activité privée – pour l’essentiel des vêtements pour enfants destinés au marché chinois – fonctionne quasiment sans l’implication des banques et lui permet d’être tolérée par le pouvoir parce qu’unique en Chine.

 

Parmi ces ouvriers surexploités, ce sont les plus jeunes, longuement filmés entre 2014 et 2019, dont Wang Bing veut nous faire partager au plus près la vie quotidienne. Logeant en dortoirs, mangeant dans des chambres exiguës, protestant contre leurs salaires misérables, ils travaillent sans relâche pour pouvoir un jour élever un enfant, s’acheter une maison ou monter leur propre atelier.

 

Ainsi peut-on comprendre que les aventures sentimentales, l’addiction aux jeux vidéo et aux Smartphones ou même les allègres bagarres qui émaillent le film les aident à supporter leurs harassantes journées.

 

Pour créer un équilibre entre les différents lieux de tournage, le réalisateur propose au spectateur une longue immersion dans ces ateliers en une dizaine de séquences d’environ 20 minutes, la dernière un peu plus longue – le retour au pays natal de l’un des personnages qu’il raccompagne chez eux lors de la pause saisonnière pour les filmer ou simplement prendre des vacances avec eux et comprendre leur vie.

 

Les incessantes tentatives de séduction, dans le bruit de fond des machines à coudre et de l’assourdissante musique pop dans les ateliers, confèrent souvent au spectacle une énergie joyeuse et rafraîchissante et une convaincante soif de vie, mais, confie Wang Bing, « sous le badinage apparent du film, cest le destin de toute une génération qui est en jeu ».

 

Jean-Michel Zucker

 

 

Contact