Cène et Eucharistie, une présence réelle dans la communion

Dans le dialogue entre catholiques et protestants revient sans cesse le poids de la présence réelle de Dieu dans l’Eucharistie. Son absence lors de la célébration de la Cène dans les Églises de la Réforme pourrait laisser entrevoir une communion au rabais. Or il n’en est rien. Explications.

© Patrick Balas

 

Paroles protestantes Paris

 

Au cours des siècles, les théologiens ont mis en place des principes précis et complexes pour justifier des pratiques de l’Église du Christ. Ainsi sont arrivés dans le vocabulaire spécialisé des termes comme la « transsubstantiation », inaudibles au sens commun.

 

Une présence réelle

 

Dans le langage plus accessible des paroissiens, on parle de « présence réelle » pour indiquer que Dieu est réellement présent dans la communion. Mais le terme technique dans l’Église catholique va plus loin et implique la notion de transformation du pain et du vin en corps et en sang du Christ, de manière réelle. Bien sûr il ne s’agit pas d’un changement physique mais spirituel, qui transformera à son tour le croyant lors de l’ingestion de l’hostie.

 

Le monde protestant ne s’est pas privé au cours de l’Histoire de critiquer cette approche performative de l’Eucharistie. Luther a développé l’idée d’une « consubstantiation », c’est-à-dire une présence réelle du Christ accueillie par le chrétien avec l’hostie ou le pain, dans le même temps et le même mouvement, mais sans que les espèces soient elles-mêmes transformées. Dans une compréhension habituelle, les réformateurs suisses comme Calvin ou Zwingli ont ensuite encore davantage dissocié la présence réelle des aliments eux-mêmes en invitant à comprendre la sainte cène dans un sens plus symbolique.

 

On a dès lors pu critiquer la Réforme pour son côté symboliste, dévalorisant la Cène en une agape dénuée de spiritualité. La première clarification à mener est celle de la notion de symbole, qui n’est pas chose négligeable. Le terme de symbolon contient la nécessité de rassembler deux parties pour former un tout réel. Historiquement, l’acheteur et le vendeur partaient chacun avec un bout du contrat, qui serait réellement concrétisé plus tard avec le rassemblement de ces deux parties. Le symbole est donc un signe visible d’une réalité en devenir.

 

Une réalité dans la prière

 

La seconde réalité de la sainte cène tient dans la prière, si l’on accorde crédit à la parole de Jésus : « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18.20) Ce « En mon nom » implique la présence de Dieu en chaque homme, donnée dans la prière de la communauté.

 

La prière est donc un moment important pour introduire la célébration de la sainte cène ; elle est appelée « épiclèse ». Ce mot grec qui signifie « appeler à soi » qualifie la prière d’appel à l’Esprit saint : elle est chargée d’ouvrir l’esprit et le cœur du croyant pour qu’il puisse y accueillir la présence de Dieu. En d’autres termes, si le pain et le vin restent du pain et du vin, Dieu est réellement présent dans la personne qui communie. Le symbole est donc réalisé, ses deux parties (espèces et prière) étant réunies.

 

Dans le cadre des relations entre Églises, force est de constater que pour les catholiques comme pour les protestants, la présence réelle de Dieu lors de la communion est donc effective, d’une manière ou d’une autre. Et que dans toutes les confessions une transformation est constatée, soit à propos des espèces, soit par la prière, permettant au croyant d’accéder à une dimension différente de sa vie. De fait, s’il n’y a pas d’intercommunion car les systèmes ne sont pas strictement compatibles, un accueil est possible, que l’on appellera hospitalité eucharistique.

 

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