Repartir de zéro

Le pasteur Jean-Pierre Molina, président du jury du Festival de la BD œcuménique, accompagne fréquemment sa prédication de dessins. Lors du culte œcuménique du Festival, il a essayé de répondre à la question que Nicodème pose à Jésus dans l'évangile de Jean, au chapitre 3 : qu'est-ce que naître de nouveau ? Écoutons-le.

 

Le pasteur Jean-Pierre Molina au Festival d’Angoulême © Claudie de Turckheim

 

 

Jean 3.1-14

 

Nicodème est un homme important. Comme le prophète Jésus de Nazareth sent le fagot*, il vient lui rendre visite de nuit. Sans sommation Jésus lui dit : « Tu dois naître de nouveau. » « Naître de nouveau ? Comment un adulte pourrait-il retourner dans le ventre de sa mère ?! » En effet repartir de zéro suppose qu’on y soit revenu et pour Nicodème ce retour est impossible.

 

© Claudie de Turckheim

D’ailleurs, si cela était possible, comment repartir de zéro sans tourner en rond ? Prenons exemple des problèmes environnementaux : tourner en rond, d’après nos détracteurs, c’est le résultat de nos efforts pour retrouver le paradis perdu de notre planète quand elle n’était pas défigurée par le réchauffement climatique : vous voulez « revenir à la lampe à pétrole », vivre « comme des Amish »… Repartir de zéro, d’accord mais pour aller où ? Pour recommencer les mêmes bêtises avec des outils « durables » ?
À nouveau Nicodème demande : « Comment cela peut-il se faire ? » Jésus répond :« Tu es professeur de théologie et tu ne le sais pas ? Il faut naître d’eau et d’esprit ». Ça veut dire quoi ? Jésus s’engage alors dans un discours hermétique au milieu duquel surgit une image insolite : le serpent « élevé » sur un bâton par Moïse au désert (versets 14 et 15). « De même le Fis de l’Homme doit être élevé afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle ».  

 

 Elle est ici la réponse. Sous la forme d’une blague sinistre digne de Charlie Hebdo : le Christ Jésus occupe une position élevée, comme un super-héros, seulement il ne tient que par les clous puisque c’est sur une croix qu’il est « élevé ».

 

Naître d’Esprit passe par la croix (verset 21). Entendons bien : Jésus ne nous demande pas de nous sacrifier, il s’est sacrifié pour que plus personne ne soit traité en bouc émissaire. Jésus monte sur la croix mais c’est Nicodème qui en descend.

 

À ce moment Nicodème, c’est nous. Jésus a choisi de mourir à la place de ses disciples mais d’autres de par le monde meurent sans l’avoir choisi, par la terre polluée ou déstabilisée, par la terre volée ou annexée, par les guerres et les famines… Et la croix nous apprend que c’est pour nous, à notre place : pour nous éviter la guerre chez nous, pour garantir notre niveau de vie, pour protéger notre environnement proche… Et que nous seuls pouvons reconnaître la croix dans ce qui n’est que brutalité subie, le Christ en ceux qui ne sont que victimes abandonnées. Traduction pratique : soigner les gens et la terre. Seul un miracle pourrait arrêter l’effondrement de la vie auquel nous assistons ? Assurément. Mais des miracles se sont déjà produits au cours de notre histoire : rappelons-nous qu’un jour des millions d’humains ont accepté de donner une part de leur salaire pour protéger la vie de leurs semblables, incroyable ! Bien plus coûteux qu’une taxe écolo. Mais on l’a fait. Ça s’est appelé la Sécurité sociale. C’est le rôle des disciples de Jésus de préparer les miracles sans savoir quand ils se produiront, travail généralement invisible, souvent décourageant, fréquemment à reprendre de zéro – croix et conversion.

 

Si nous n’y croyons pas, à quoi sert la foi ?

 

Pasteur Jean-Pierre Molina

 

* Sentir le fagot = être soupçonné d’hérésie.

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