Par Guillaume Brétose, Paroles protestantes Paris
Traduire la Bible a été l’un des premiers gestes de la Réforme, pour y retrouver les mots originaux, issus de l’hébreu ou du grec, plutôt que de passer par une traduction grecque puis latine.
Les références ont évolué
Il est évident qu’en traduisant, on trahit un peu. Au mieux, une partie du sens des mots est perdue ou relativisée. C’est ainsi que différentes versions sont passées au fil des siècles dans les milieux chrétiens, chacune étant le reflet de la pensée de l’époque. Cette adaptation culturelle traduit la vitalité du texte, mais peut aussi inquiéter le lecteur. Car comment comprendre des manuscrits, des notes de bas de page laissant voir des nuances, des histoires qui ne s’appuient plus sur les évidences de la société et ne peuvent se comprendre actuellement ? Quand Jésus parle du Royaume en le comparant à une récolte où l’épi porte cent grains, alors qu’à son époque c’était quinze au plus, on ne remarque pas le miracle : c’est aujourd’hui un rendement normal. Les référentiels de la langue et de la société ont changé.
Seulement l’Écriture
Les Église protestantes se fondent cependant sur cette conviction que l’Écriture est la seule voie pour enseigner le croyant dans sa vie personnelle et sa relation avec Dieu. Nulle Église, nul humain ne peut interférer dans cette compréhension, sinon tenter de la guider un peu. Bible en main, l’humain est un pape, selon l’adage protestant.
Certes les catéchèses protestantes sont avant tout bibliques, permettant une familiarisation avec les textes de référence. Mais de plus en plus de protestants arrivent sans formation préalable. Devant le caractère ardu de la lecture de récits qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’actualité, ils rechignent parfois ou se forgent des idées personnelles qui primeront sur l’étude elle-même.
Libérer le texte
Devant un tel décalage, la question se pose de l’accès direct au texte pour les non-initiés. Ce que le protestantisme historique a fait pour libérer le peuple de la servitude d’une compréhension unique, en offrant le texte en langue dire « vulgaire », se retrouve pris à contre-pied. Le même peuple n’est plus à libérer d’une interprétation unique : il ne sait plus accéder au texte écrit dans sa propre langue. Au point qu’il faut presque libérer le texte de son propre cadre culturel.
Certaines options ont consisté à proposer des variantes dédiées à certaines catégories de la population : français courant, puis français fondamental… de moins en moins de vocabulaire… de moins en moins de finesse des situations. Il existe un écart infini entre un verset actualisé sur lequel l’œil glissera sans même le remarquer et le même verset dans son aspérité initiale, sur lequel un livre entier pourra s’écrire.
Des connaissances certaines à avoir
La Bible lue et méditée dans son texte demande des connaissances certaines pour être savourée, car des versions différentes existaient déjà à l’origine. Il n’y a donc pas de compréhension exacte, mais un travail constant pour découvrir les sens. C’est ce sens du travail qui doit être transmis, plutôt que les mots actualisés.
La catéchèse va dans ce sens lorsqu’elle prend acte de la complexité textuelle de l’époque et évoque des pistes de compréhension, recherche des symboles ou des allusions, pose des questions. En Chine, le gouvernement a choisi de réécrire certains passages pour éliminer les questions. Or sola scriptura.