Par Patrícia Veríssimo Sacilotto, responsable de la formation biblique de la région Ouest
Le verset 50 témoigne d’une anxiété angoissante (« […] et comme cela me pèse jusqu’à ce qu’il soit accompli ! »), car ce qu’il apporte sur la Terre, c’est ce qu’Il va recevoir lui-même. Il est tendu, sous pression, contraint, tourmenté. Le verbe utilisé est συνέχω en grec qui porte ici l’idée d’être angoissé, sous pression. Il apparaît douze fois dans le Nouveau Testament, mais seulement deux fois la forme συνέχομαι en Luc 12.50 et Philippiens 1.23 lorsque Paul éprouve le dilemme.
En Luc 12.50, Jésus voit alors sa mort comme une sorte de rite nécessaire, un résultat incontournable de sa mission. C’est un baptême que lui seul pouvait recevoir comme on peut le constater dans l’évangile de Marc (10.38). Cela signifie que personne ne pouvait l’accompagner, et qu’il ne pourrait rien porter qui pourrait l’empêcher d’être pleinement lui dans cette via crucis. Lui seul implique également le fait que, même si les disciples pouvaient recevoir un baptême comme le sien (Marc 10.39), cela n’allait pas se reproduire de la même façon… plus jamais !
Dans le livre des Actes, lorsqu’Étienne est mis à mort comme un juste persécuté – à l’instar de Jésus – il n’est plus question de sacrifice mais de martyre. Avec des éléments similaires et en utilisant un procédé narratif gréco-romain, la syncrisis (rhétorique « juger ensemble », mettre en parallèle), l’auteur des Actes redit la persécution et la mort du Maître par la persécution et la mort du disciple. Parmi ces éléments, on a la critique du Temple, la posture, les prodiges et les signes, la sagesse, le fait d’être conduit devant le Sanhédrin et les autorités du Temple, les faux témoignages contre lui, le fait de lancer un grand cri, et de demander à Dieu de ne pas leur compter ce péché (Actes 6-7). Mais, on apprend que la syncrisis met deux figures en parallèle tout en montrant la primauté de l’une par rapport à l’autre.
L’œuvre de Jésus, le Christ, est unique. Aucune répétition n’est possible. L’auteur de Luc et des Actes en est conscient. Néanmoins, on sait que l’identité et la vie des disciples se trouvent dans les pas de leur Maître, d’où l’image de porter chacun.e sa propre croix !
Or, si nous prenons la métaphore de la porte étroite et du chemin resserré dont parlent les Évangiles, ils se présentent à nous comme une traversée personnelle, une expérience unique. On ne peut pas transmettre une expérience, comme on le voit aussi chez Søren Kierkegaard. Quelqu’un a déjà évoqué l’idée que le chemin étroit est suffisamment large pour que toi seul puisse le traverser. Cela implique pour nous que, dans la logique de l’Évangile, il y ait du large dans l’étroit pour que le sujet puisse être pleinement lui devant Dieu. Le chemin étroit n’est pas une posture austère devant la vie, mais le fait d’être soi- même, en tant que disciple du Maître, et aucune interférence n’est bienvenue y compris celle de la religion.